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Tel qu’un morne animal, meurtri, plein de poussière,
La chaîne au cou, hurlant au chaud soleil d’été,
Promène qui voudra son cœur ensanglanté
Sur ton pavé cynique, ô plèbe carnassière.

Pour mettre un feu stérile en ton œil hébété,
Pour mendier ton rire ou ta pitié grossière.
Déchire qui voudra la robe de lumière
De la pudeur divine et de la volupté !

Dans mon orgueil muet, dans ma tombe sans gloire,
Dussé-je m’engloutir pour l’éternité noire.
Je ne te vendrai pas mon ivresse ou mon mal.

Je ne livrerai pas ma vie à tes huées.
Je ne danserai pas sur ton tréteau banal
Avec tes histrions et tes prostituées !


Ce dédain du poète pour le public n’était pas fait pour lui concilier les suffrages. Ses vers demeuraient inconnus. Tout au plus savait-on que le « poète de Midi » était aussi un helléniste remarquable, traducteur assidu des chefs-d’œuvre antiques. L’originalité, le mérite de ces traductions de Leconte de Lisle résident dans leur fidélité, dans le scrupuleux respect d’une forme qui, pour l’épopée et le drame grec, est intimement liée au fond, enfin dans l’exactitude d’une transcription littérale de ces noms propres que les savants, les érudits et les poètes mêmes de la Renaissance avaient ce romanisés » sans motif. Athéné n’est pas Minerve, et Zeus ou Jupiter font deux. Aussi les traductions de Leconte de Lisle ont-elles servi à dissiper des malentendus que les anciennes ver-