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VENGEANCE FATALE

Puivert passait avec raison pour un homme d’une grande intelligence, mais cette fois, il faisait fausse route et ne devait s’apercevoir que plus tard du piège que lui tendait son prétendu courtier Edmond Marceau, et dans lequel il allait donner le pied tout bonnement. Marceau lui parla d’abord de sa ferme puis, tout à coup changeant de sujet :

— Mon cher monsieur Puivert, dit-il, je vais vous prouver tout de suite que je suis un parfait honnête homme, ce dont vous seriez porté à douter peut-être.

— Mais je vous demande pardon, je n’ai jamais douté un seul instant de votre probité.

— De mieux en mieux pour moi alors, car si j’avais voulu et si je voulais encore, je vous ferais perdre une somme de $700.00.

— Vous voulez rire, je crois, fit Puivert qui commençait à craindre pour son argent.

— Je ne ris pas le moins du monde et la preuve c’est que lors de votre dernière visite chez moi, vous avez oublié d’exiger un reçu des $700 dont je vous parlais il y a un instant.

— Vraiment ? fit Puivert.

— Il n’y a rien de plus vrai. Tenez, le voici.

— Donnez, donnez, fit le fermier qui commençait à perdre la tête complètement. Puis il jeta rapidement les yeux sur le reçu qui était d’une écriture fine, que Puivert n’avait jamais vu, et qui se lisait comme suit : « Reçu de monsieur Théodore Puivert la somme de sept cents dollars, que je m’engage à lui rendre à demande avec intérêt à cinq pour cent. »

Montréal, 14 mai 1858.
E. Marceau