Page:Dorion - Vengeance fatale, 1893.djvu/110

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
110
VENGEANCE FATALE

— Pauvre mère, que je n’ai jamais connue ! murmura Louis.

Puivert ne prit pas garde à cette interruption.

— Le lendemain, continua-t-il, Darcy se rendit chez elle, où il s’aperçut de votre absence de la maison. Il se montra très affable, essaya de persuader votre mère qu’elle devait attribuer à une exaltation frénétique les paroles violentes qu’il lui avait tenues peu de jours auparavant, et après l’avoir une fois de plus assurée de son brûlant amour, il promit de laisser le soir même St-Antoine pour n’y plus revenir. Mais elle n’ajouta pas foi à ces protestations d’un nouveau genre, et elle avait raison. Une sombre jalousie venait de s’emparer du cœur de Darcy. Voyant qu’il ne pouvait la posséder légitimement, il résolut de la déshonorer par un crime. Pendant la nuit, lorsque les lumières étaient presque toutes éteintes dans le village, il me força de l’accompagner chez votre mère, où nous pûmes entrer sans avoir été vus ni entendus par personne, et nous pénétrâmes dans sa chambre à coucher.

— Misérables ! rugit Louis une nouvelle fois. Une angoisse mortelle s’empara de son âme. Qu’allait-il donc entendre ?

— Elle s’éveilla, cependant, ajouta Puivert, et se mit à appeler au secours de toutes ses forces. À ces cris, le seul homme qui couchât dans la maison, un domestique, accourut pour défendre sa maîtresse. Il ouvrit une fenêtre et se rua ensuite sur moi. « Tue-le, me dit Darcy ; sans cela nous sommes perdus. » J’avais un grand couteau ; je le lui plongeai dans la poitrine. La blessure qu’il venait de recevoir était mortelle. Votre mère n’en appelait pas moins au secours, voyant