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Aucun son dans les airs que n’émeut nulle brise.
Tout défaille, tout meurt, le bruit humain finit.
A l’horizon frissonne un feu tremblant qu’attise
Un seul groupe échoué sur un roc de granit.

Quelques vieillards sont là, rachitiques et blêmes,
Débris funèbres, fronts courbés par les douleurs ;
Et de l’humanité les avortons suprêmes,
Des enfants sur le sein de leurs mères en pleurs.

Près d’eux, derniers amis de leurs sombres aurores,
Les chiens et les chevaux, les troupeaux familiers,
Loups des bois, ours velus, serpents, oiseaux sonores,
Avant que de périr se couchaient à leurs pieds.

Et dans le grand silence un homme à l’œil farouche
Se dressa tout debout, morne, d’un geste dur.
Un rire amer tordit les plis fiers de sa bouche,
Au Soleil faiblissant il cria : « Gouffre obscur !

Toi qui vis tant mourir ! les âges sur les âges
Qui brisèrent sous toi la triste humanité,
T’écrasant à ton tour sur leurs fatals rivages
Vont t’engloutir toi-même en leur lividité.