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le dévisagent, rigolant d’avance. Le marchand de chevaux est devenu tout rouge, mais il a crié quand même :

— Présent !

— Vous savez faire la cuisine ? lui a demandé Cruchet.

— J’ai été cuisinier dans le civil, mon capitaine.

Alors, la compagnie tout entière a éclaté de rire. Broucke étouffait, plié en deux. Les sergents au garde-à-vous ne pouvaient pas se retenir et Cruchet, mécontent, a dû commander : « Rompez vos rangs ! »


Quand je redescendis dans la cuisine où des lames de parquet brûlaient en flammes joyeuses, l’ancien cuistot, noir comme un Savoyard, passait ses pouvoirs à Bouffioux devant l’escouade assemblée. La cérémonie fut toute simple. Fouillard, qui remuait le rata avec un bout d’échalas, tendit l’objet à son remplaçant.

— Tiens, v’là la cuiller. T’as plus qu’à servir… Pour ce soir, c’est toi qui feras la croustance… Seulement, moi, j’boufferai avec du saucisson, parce que t’as autant une gueule à être cuistot comme moi à être sacristain.

Un hurlement chargé de rires approuva le cuisinier. Bouffioux, posément, retira sa capote.

— T’en fais pas pour la croûte, répondit-il doucement.

Sulphart, qui le regardait avec sympathie, lui bourra les côtes.

— Hé, nez de bœuf, on dit que t’as la tremblote