Page:Dorgelès - Les Croix de bois.djvu/72

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Sulphart est resté impassible. Il n’a pas sourcillé, pas frémi. Ah ! ces vainqueurs de la Marne…

On croyait la revue terminée et des impatiences nous fourmillaient dans les genoux, quand le capitaine a commandé :

— Sac à terre !

J’en étais sûr ! C’est la revue des vivres de réserve, à présent. À genoux devant le barda débouclé, il faut tout démonter, tout défaire, tout sortir, pour retrouver la tablette de potage salé écrasée sous les chemises, ou le cube de café qui s’émiette dans les chaussettes, et salit le linge.

À genoux on vide son armoire en rageant.

— Y croit qu’on va les bouffer ses biscuits, grogne Vairon.

On étale tout son bien : les cartouches, le sachet de sucre, la boîte de singe. Le sac qu’on avait eu tant de mal à monter doit être vidé jusqu’au fond. Des camarades à quatre pattes comptent et recomptent leurs cartouches d’un air inquiet.

— Bon Dieu, il m’en manque un paquet… T’en as pas un en rab ?

Tout notre bien tient dans ce petit tas de hardes et de conserves, que le capitaine dérange du bout de sa canne, pour compter les trousses de cartouches. Il fait rapidement le tour, puis, se plaçant face à notre section, il demande :

— Quelqu’un veut-il être cuisinier ? Celui de la cinquième escouade est relevé. Qui veut le remplacer ?

Aussitôt, d’un seul mouvement, tout le monde a regardé Bouffioux. Deux cents bonnes têtes épanouies