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— Bonjour, ch’timi, hein, comme on se retrouve. Ah ! Bouffioux, grosse coquine, qu’est-ce que tu fous là… Et Belin ?

— Évacué… Il a eu les gaz… T’as su que Bréval avait été tué ; c’est Maroux notre cabot maintenant… Berthier a été porté disparu, en Argonne.

— Un bon fieu c’est dommage. Et c’est Morache qui est passé piston ? Non, ce qu’il faut voir… C’est égal, vous ne restez plus lerche d’anciens.

On s’entassa à l’entrée du gourbi, assis sur les marches boueuses. Sulphart, au fond, préparait un brûlot, n’ayant pris dans son sac ni cartouches, ni linge, ni biscuits, pour pouvoir emporter deux bouteilles de rhum, qu’il avait empaquetées dans des chaussettes tricotées.

— Eh bien, et à l’arrière, on se la coule douce ?

— Tu parles. Trois mois d’hôpital, dans un hôtel tout ce qu’il y a de palace. Rien à foutre, qu’à se laisser laver les pieds ; des confitures tant que tu en veux ; la bonne vie, quoi… Et nous, encore, c’est rien, c’est les Anglais qui sont riders. Si tu voyais ça, des officiers qui font canne, des soldats tout neufs qui se payent tout ce qui leur plaît, des gonzes en jupe qui vont à l’exercice en jouant du fifre. Les femmes les ont à la bonne, je ne te dis que ça ; tu peux être sûr que les gars ne demandent pas à changer de secteur. Et leurs blessés, si tu les voyais ! Un bath habit bleu, coquet, une chemise blanche avec une cravate rouge. Gandins, tu sais, et propres, on ne peut pas croire qu’ils ont pâti.

— Et les nôtres ! Il y en a beaucoup ?

— Une tinée. À l’hostau où que j’étais, ça ne désem-