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Ricordeau, qui tendait le cou pour reconnaître son monde, plaçait les hommes.

-— Lemoine, au créneau ; tu prends le premier. On va te passer les consignes. Bréval, tu as ces trois gourbis-là pour ton escouade, grouille…

Bréval et d’autres entrèrent dans une étroite chapelle sans toit et je les vis s’enfoncer sous terre, à plat ventre. Demachy, qui me précédait, jeta ses musettes dans un trou noir, au pied d’une dalle, et sauta. Je le suivis. Au même instant un éclatement terrible fit trembler la terre et cela grêla sur notre toit de pierre.

— Il était temps, dit Gilbert.

À tâtons, on cherchait à découvrir les choses autour de soi et nos mains glissaient sur les murs froids. Au-dessus de nos têtes, l’entrée s’ouvrait, comme une lucarne bleue.

— Bouchons ça et allumons.

On accrocha avec des cartouches une toile de tente pliée en deux et Gilbert fit craquer son briquet. La bougie à la mèche écrasée hésita, vacillante, puis la lumière éclaira notre abri. Les quatre murs luisaient, humides. Sur le dallage du caveau, il n’y avait qu’un matelas sale de vieux journaux, où l’on lisait des titres allemands.

— Les anciens locataires nous ont laissé de quoi lire, tu vois… Tiens, il y en a un qui a inscrit son nom.

Sur la chaux nue, en effet, une main patiente avait commencé à graver : « Siegf… » Pourquoi vouloir laisser sa trace dans ce tombeau ?… Et l’autre, le premier qu’on avait couché là, celui dont le nom devait être gravé sur la croix, qu’en avaient-ils fait ?