Page:Dorgelès - Les Croix de bois.djvu/24

Cette page a été validée par deux contributeurs.

route, un bourdonnement s’éveilla, grossit, roula vers nous, et les murs se mirent à trembler… Les camions.

Ils roulaient pesamment, avec un bruit cahotant de ferraille. Que j’aurais voulu m’endormir avec ce roulement familier dans les oreilles et dans l’esprit ! Les autobus, naguère, passaient ainsi sous mes fenêtres et me tenaient éveillé, tard dans la nuit. Comme je les détestais, en ce temps-là ! Sans rancune, pourtant, ils revenaient me voir dans mon exil. Comme autrefois, ils faisaient tressauter mon demi-sommeil, et je sentais trembler les murs. Ils venaient me bercer.

Est-ce drôle, on n’entend pas leurs durs cahots sur le pavé, ce soir, ni les vitres qui tremblent, ni le passant attardé qui appelle… Leur bruit ne fait plus qu’un ronron dans ma tête qui s’endort… Ils grincent, ils cahotent, ils sont passés… Adieu, Paris…