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Lequel hisserait-on là-haut, dans un moment, pour élargir la muraille des morts ?

Péniblement, nous sortîmes le dernier de la fosse commune, et son corps mutilé marqua d’un sillon brun, le flanc de l’entonnoir.

Comme un orage s’apaise, la canonnade s’était ralentie, et des têtes inquiètes surgissaient de tous les trous. Les Allemands allaient-ils attaquer ? Un officier se dressa derrière un tertre.

— Tenez bon, les gars, prévint-il.

Au même instant, à quelques pas, une voix lança :

— Attention, les v’là !

Ils venaient de sortir, une centaine à peine, d’un petit boqueteau, à deux cents mètres de la crête. Aussitôt un autre groupe se montra, venu d’on ne sait où, puis un autre encore, qui s’élança en braillant, et les lignes de tirailleurs se déployèrent.

— Les Boches ! Tirez, tirez… Visez bas…

Tout le monde criait, des commandements montaient de chaque terrier, et le crépitement de la fusillade gagna toute la ligne. Brusquement, on ne vit plus rien. S’étaient-ils couchés ? Les avait-on couchés ?

Une minute après, le bombardement reprenait, plus brutal, plus précis. Entre deux rafales, on voyait s’échapper les blessés. Courant ou se traînant, ils cherchaient à gagner un petit talus feuillu qui bornait la plaine.

— Ils se planquent dans le Boyau boche, cria un petit de la classe 15. On ne peut plus passer, tant il y en a. Et les obus qui tombent en plein dedans : tu parles d’un gâchis !