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À quelques pas de l’entonnoir, un officier était couché sur le côté, sa capote ouverte, et, dans ses doigts osseux, il tenait son paquet de pansement, qu’il n’avait pas pu dérouler.

— On devrait essayer de le traîner jusqu’ici, dit Lemoine qui ne lâchait pas son idée, ça ferait un de plus pour le parapet. Et avec le Boche qui est là, plus loin…

— T’es pas louf ? grogna Hamel. Tu veux nous faire repérer en les empilant tous devant.

— Ceux des autres trous s’en sont bien fait, des parapets.

En effet, de loin en loin, tout le long de la crête, des hommes se dissimulaient, qu’on pouvait prendre pour des grappes de morts. Allongés derrière la moindre butte, blottis dans les plus petits trous, ils travaillaient presque sans bouger, grattant la terre avec leur pelle-bêche, et, patiemment, ils élevaient devant eux de petits monticules, des taupinières qu’un souffle eût emportées.

— Notre trou est plus profond, on risque moins, observa Gilbert.

— Oui, mais quand ils auront repéré la crête, qu’est-ce qu’on va déguster !

À ce moment l’artillerie allemande s’éveilla. On entendit arriver quelques obus, des fusants, qui éclatèrent beaucoup trop haut, dans un flocon noir, mais le tir réglé, le bombardement commença. Les premiers tombèrent assez loin, sur la gauche, puis la rafale se rapprocha, suivant la crête, et tout à coup… Quatre coups pressés, quatre jets de vapeur, quatre explosions… La salve s’était abattue devant notre entonnoir,