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XI
VICTOIRE


De l’arrière aux tranchées, par vingt cheminements gonflés, les régiments d’attaque montaient en ligne.

— Faites passer, en avant.

— En avant, bande de c…, répétaient des voix furieuses.

Et la colonne démembrée repartait d’un trot lourd, dans un tintement de gamelles et d’outil. Le petit jour nous avait découverts dans les boyaux où la compagnie, partie une des dernières, piétinait depuis deux heures du matin, sans cesse coupée par des brancardiers, retardée par des relèves, et aussitôt l’artillerie allemande s’était mise à tirer. Les shrapnells semblaient nous poursuivre, avançant avec nous, et le bataillon harcelé courait vers les lignes sous une voûte zigzagante de fumée verte.

Guidés par Morache affolé qui ne trouvait plus le chemin, nous allions comme voulait le boyau, traqués par les fusants. Entre deux fracas, nous entendions la voix de Cruchet, froide et méticuleuse comme à l’exercice.