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écoutions, rageant contre les obus qui ébranlaient la butte de leurs coups de bélier. Bréval se redressa le premier.

— On ne peut pas se tromper, fit-il à mi-voix, ils creusent.

— Il n’y en a qu’un qui travaille, on entend bien, précisa Maroux. Ils ne sont pas loin.

Nous étions tous serrés, immobiles, regardant le sol dur. Quelqu’un était allé chercher le sergent Ricordeau. Il arriva, prêta un instant l’oreille et dit :

— Oui… Il faudrait prévenir le lieutenant.

Chacun se couchait à son tour pour entendre, et se relevait rembruni. Dans la tranchée, la nouvelle avait déjà couru, et, entre deux obus, les guetteurs écoutaient la pioche effarante qui creusait, creusait…

Le sous-lieutenant Berthier vint à la nuit, avec la corvée de soupe. Il ausculta la terre un long moment, hocha la tête, et, tout de suite, voulut nous rassurer :

— Peuh !… Ce sont peut-être des pionniers qui creusent une tranchée, et même assez loin… Cela trompe beaucoup, vous savez, ces bruits-là. Je vais demander quelqu’un du génie… Mais ne vous montez pas la tête : c’est certainement encore loin, il n’y a pas de danger…

Nous prîmes la veille. Les obus tombaient toujours, mais ils faisaient moins peur à présent. On écoutait la pioche.

Nos deux heures finies, nous remontâmes dans la grotte. Le bruit avait diminué.

— Il est raisonnable, dit Broucke. Il fo moins d’train.