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— Ce n’est pas à moi, grognaient-ils. Lui n’a pas encore marché !

Et prêts à tous les mensonges pour sauver leur peau, ils désignaient un camarade qui se mettait à protester. Chacun donnait son avis : « Si, c’est à lui… C’est pas vrai… », mais la voix : impatiente reprenait, un peu plus fort :

— Allons, la liaison…

Et le sergent, implacable, lisait un nom.

L’homme désigné n’avait plus qu’à glisser dans sa cartouchière le papier plié et il attendait une éclaircie entre deux salves pour s’échapper à travers les ruines qui fumaient.

Depuis un bon moment le colonel n’avait appelé personne et les soldats se rassuraient. Là-haut le pilonnage continuait, trouvant encore des choses à broyer dans ces décombres.

Soudain un soldat qui se tenait à l’entrée de l’escalier, bondit dans la cave en hurlant :

— Les boches !

Tout le monde se leva en bousculade. La surprise les effarait. Le colonel, qui avait entendu, s’était précipité, sans arme. D’autres, fébrilement, saisissaient leur Lebel. Le cycliste épaula son mousqueton, visant le jour.

— Ne tirez, nom de Dieu ! cria à temps le sergent.

Et encore interloqués, les territoriaux virent entrer deux prisonniers allemands que conduisait un chasseur à pied. Les yeux clignotants, abrutis, les boches cherchaient à distinguer quelque chose dans cette caverne, et un obus ayant éclaté tout près, ils s’écartèrent prudem-