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qui sont parmi les plus sourds de la langue ; et le dernier mot, étoilé, outre qu’il termine sèchement le vers, par une cassure nette, présente deux fois à l’oreille le son de é bref, ce qui diminue encore sa qualité musicale et le rend d’autant moins moelleux, d’autant plus martelé. Dans la seconde moitié du vers de Victor Hugo, au contraire, grâce à l'e muet de une, et à la délicieuse allitération formée par les n de deux consonnes qui se suivent — une nuit, — écoutez comme la voix glisse avec douceur, pour s’appuyer seulement, pour s’épanouir sur la seconde syllabe d’étoiles, et s’éteindre enfin en se prolongeant sur la syllabe muette qui termine le mot et le vers après avoir caressé l’oreille par la succession de six sonorités différentes.

J’étais seul près des flots, par une nuit d’étoiles.

Comparez !
Passons au second vers. Le poète va-t-il chercher à préciser, par un détail, par une chose vue et dépeinte, le tableau que forme le premier vers ? Un autre n'y aurait pas manqué. Lui, c’est tout le contraire qu’il fait : il n’ajoute pas un trait à son indication déjà toute schématique, il en efface :

Pas un nuage aux cieux, sur les mers pas de voiles.

Car il veut nous mener, le plus vite possible, du concret à l’abstrait, des choses extérieures aux intérieures, pour nous conduire enfin des intérieures aux supérieures. Et notez, en passant, l’élégance de ce second vers ; parallèle au premier par la virgule médiane et par la correspondance des objets, mais parallèle par renversement, pourrait-on dire, puisque,