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connaissons, dépassant l’émotion purement humaine, la grande émotion cosmique et religieuse, celle-là même qu’il a ressentie : l’Extase.
Pour y atteindre et pour nous y conduire, que lui a-t-il fallu ? Une centaine de mots, en deux strophes. Composantes infimes, sublime résultante. Entre ceci et cela, qu’y a-t-il donc ? Rien que cette chose : l’Art des Vers.


De cet art, une partie seulement peut être enseignée d’une façon précise et complète : c’est celle qui, dans l’art d’écrire en général, correspondrait, en toute modestie, à la grammaire : c’est la versification ou prosodie. Les lois de la versification, en effet, — lois dont l’observation seule distingue le vers, fût-ce le moins lyrique, de la prose, fût-ce la plus harmonieuse, — sont depuis longtemps codifiées, dans ce qu’elles ont d’essentiel, d’après la tradition de quatre siècles de chefs-d'œuvre; et, quels que soient le génie particulier du poète et la nature spéciale du poème, elles sont appliquées toujours. Je pourrai donc vous les enseigner, telles qu’elles m’ont été transmises, ou à peu prés telles, car l’évolution d’une prosodie n’est jamais complètement terminée, et il se peut que je sois conduit à vous donner comme légitimes — non pour ébranler, mais pour fortifier, au contraire, le vers traditionnel — quelques-unes des libérations ou des contraintes nouvelles que l’on nous propose.

Mais tout l’art des vers n’est point dans ces règles dont le respect est la condition obligatoire, non la seule et suffisante cause de l’émotion poétique. Il y a d’autres éléments, mystérieux et incodifiables, que