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des espèces de bassins formés par un élargissement du canal. Les gardiens vigilants les apercevaient bientôt et les en chassaient en grondant.

Rien n’était plus droit que le canal sur lequel nos jeunes gens patinaient, si ce n’est les rangées de saules, en cette saison dépouillés de tout feuillage, plantés le long des bords. De l’autre côté, et dominant tout ce qui l’entourait, passait la grande route pour les voitures. Elle courait sur le sommet de l’immense digue construite pour contenir dans de justes bornes le lac de Haarlem. Ce lac s’allongeait au loin jusqu’à ce qu’il n’apparût plus que comme un point. Ses patineurs, sa surface gelée unie comme un miroir, ses bateaux-traîneaux aux voiles brunes, ses fauteuils ambulants, ses petites sledes excentriques aussi légères que le liége et que leurs conducteurs faisaient voler sur la glace à l’aide de deux bâtons ferrés terminés en pointe ; tout cela intéressait au dernier point l’anglais Ben.

Ludwig Van Holp s’était étonné que le jeune anglais fût si bien au courant de tout ce qui intéressait la Hollande. Selon ce que disait Lambert, il en savait plus sur ce pays que beaucoup de Hollandais. Ceci ne plaisait qu’à moitié à notre jeune homme. Il chercha quelque sujet qui pût prendre au dépourvu le jeune étranger et lui fit demander s’il savait l’histoire des tulipes.

« La folie des tulipes qui s’empara de votre pays il y a environ deux cents ans après que le premier spécimen en eût été apporté de Turquie ! Personne n’ignore cela en Europe, répondit Ben, c’est un lieu commun d’en parler aussi bien que de votre curaçao et de votre anisette d’Amsterdam que nous n’avons même pas goûtés en passant dans cette ville. Qui est-ce qui ne sait pas que le semper Augustus s’est vendu chez vous jusqu’à 5500 florins ? Cette spéculation sur les tulipes était devenue, pour vos ancêtres et principalement à Haarlem, une rage. Cela dégénéra en une sorte