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L’histoire des peuples confirme la nouveauté des continens.En effet, bien qu’au premier coup d’œil, les traditions de quelques anciens peuples, qui reculaient leur origine de tant de milliers de siècles, semblent contredire fortement cette nouveauté du monde actuel, lorsqu’on examine de plus près ces traditions, on n’est pas longtemps à s’apercevoir qu’elles n’ont rien d’historique : on est bientôt convaincu, au contraire, que la véritable histoire, et tout ce qu’elle nous a conservé de documens positifs sur les premiers établissemens des nations, confirme ce que les monumens naturels avaient annoncé.

La chronologie d’aucun de nos peuples d’Occident ne remonte, par un fil continu, à plus de trois mille ans. Aucun d’eux ne peut nous offrir avant cette époque, ni même deux ou trois siècles depuis, une suite de faits liés ensemble avec quelque vraisemblance. Le nord de l’Europe n’a d’histoire que depuis sa conversion au christianisme ; l’histoire de l’Espagne, de la Gaule, de l’Angleterre, ne date que des conquêtes des Romains ; celle de l’Italie septentrionale, avant la fondation de Rome, est aujourd’hui à peu près inconnue. Les Grecs avouent ne posséder l’art d’écrire que depuis que les Phéniciens le leur ont enseigné il y a trente-trois ou trente-quatre siècles ; long-temps encore depuis, leur histoire est pleine de fables, et ils ne font pas remonter à trois cents ans plus haut les premiers vestiges de leur réunion en corps de peuples. Nous n’avons de l’histoire de l’Asie occidentale que quelques extraits contradictoires qui ne vont, avec un peu de suite, qu’à vingt-cinq siècles[1], et en admettant ce qu’on en rapporte de plus ancien avec quelques détails historiques, on s’élèverait à peine à quarante[2].

Le premier historien profane dont il nous reste des ouvrages, Hérodote, n’a pas deux mille trois cents ans d’ancienneté[3]. Les

  1. A Cyrus, environ six cent cinquante ans avant Jésus-Christ.
  2. A Ninus, environ deux mille trois cent quarante-huit ans avant Jésus-Christ, selon Ctésias et ceux qui l’ont suivi ; mais seulement à mille deux cent cinquante, selon Volney, d’après Hérodote.
  3. Hérodote vivait quatre cent quarante ans avant Jésus-Christ.