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rope, par l’accumulation des débris de sphagnum et d’autres mousses aquatiques, donnent aussi une mesure du temps ; elles s’élèvent dans des proportions déterminées pour chaque lieu ; elles enveloppent ainsi les petites buttes des terrains sur lesquels elles se forment ; plusieurs de ces buttes ont été enterrées de mémoire d’hommes. En d’autres endroits la tourbière descend le long des vallons ; elle avance comme les glaciers ; mais les glaciers se fondent par leur bord inférieur, et la tourbière n’est arrêtée par rien : en la sondant jusqu’au terrain solide, on juge de son ancienneté, et l’on trouve, pour les tourbières comme pour les dunes, qu’elles ne peuvent remonter à une époque indéfiniment reculée. Il en est de même pour les éboulemens qui se font avec une rapidité prodigieuse au pied de tous les escarpemens, et qui sont encore bien loin de les avoir couverts ; mais, comme l’on n’a pas encore appliqué de mesures précises à ces deux sortes de causes, nous n’y insisterons pas davantage[1].

Toujours voyons-nous que partout la nature nous tient le même langage ; partout elle nous dit que l’ordre actuel des choses ne remonte pas très-haut ; et, ce qui est bien remarquable, partout l’homme nous parle comme la nature, soit que nous consultions les vraies traditions des peuples, soit que nous examinions leur état moral et politique, et le développement intellectuel qu’ils avaient atteint au moment où commencent leurs monumens authentiques.

  1. Ces phénomènes sont très-bien exposés dans les Lettres de M. Deluc à la reine d’Angleterre, aux endroits où il décrit les tourbières de la Westphalie ; et dans ses Lettres à Lamétherie, insérées dans le Journal de Physique de 1791, etc. ; ainsi que dans celles qu’il a adressées à M. Blumenbach, et que l’on a imprimées en français, en un volume. Paris, 1 798. On peut y ajouter les détails pleins d’intérêt qu’il donne dans ses Voyages géologiques, tome 1, sur les îles de la côte ouest du duché de Sleswik, et la manière dont elles ont été réunies, soit entre elles, soit avec le continent, par des alluvions et des tourbières, ainsi que sur les irruptions qui de temps en temps en ont détruit bu séparé quelques parties.
    Quant aux éboulemens, M. Jameson, dans une note de la traduction anglaise de ce Discours, en cite un exemple remarquable pris des roches escarpées dites Salisbury" - Craig, près d’Edimbourg. Bien que d’une hauteur médiocre, leur face abrupte et verticale n’est point encore cachée par la masse de débris qui s’accumule à leur pied, et qui cependant augmente chaque année.