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dont la nature l’a permis. Je ne parle point de nos volcans, non seulement à cause de l’irrégularité de leurs éruptions , mais parce que rien ne prouve qu’ils n’aient pu exister sous la mer, et qu’ainsi ils ne peuvent servir à la mesure du temps qui s’est écoulé depuis sa dernière retraite.

AtterrissemensMM. Deluc et Dolomieu sont ceux qui ont le plus soigneusement examiné la marche des atterrissemens ; et, quoique fort opposés sur un grand nombre de points de la théorie de la terre, ils s’accordent sur celui-là : les atterrissemens augmentent très-vite ; ils devaient augmenter bien plus vite encore dans les commencemens, lorsque les montagnes fournissaient davantage de matériaux aux fleuves, et cependant leur étendue est encore assez bornée. Le Mémoire de Dolomieu, sur l'Égypte[1], tend à prouver que, du temps d’Homère, la langue de terre sur laquelle Alexandre fit bâtir sa ville n’existait pas encore ; que l’on pouvait naviguer immédiatement de l’île du Phare dans le golfe appelé depuis lac Maréotis, et que ce golfe avait alors la longueur indiquée par Ménélas, d’environ quinze à vingt lieues. Il n’aurait donc fallu que les neuf cents ans écoulés entre Homère et Strabon pour mettre les choses dans l’état où ce dernier les décrit, et pour réduire ce golfe à la forme d’un lac de six lieues de longueur. Ce qui est plus certain, c’est que, depuis lors, les choses ont encore bien changé. Les sables que la mer et le vent ont rejetés ont formé, entre l’île du Phare et l’ancienne ville, une langue de terre de deux cents toises de largeur, sur laquelle la nouvelle ville a été bâtie. Ils ont obstrué la bouche du Nil la plus voisine, et réduit à peu près à rien le lac Maréotis. Pendant ce temps les alluvions du Nil ont été déposées le long du reste du rivage, et l’ont immensément étendu.

Les anciens n’ignoraient pas ces changemens. Hérodote dit que les prêtres d'Égypte regardaient leur pays comme un présent du Nil. Ce n’est pour ainsi dire, ajoute-t-il, que depuis peu de temps que le

  1. Journal de Physique, tome XKLL, pag. 40 et suiv.