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et les déserts de l’intérieur de grandes chaînes de montagnes, elles seraient toujours interrompues à quelques endroits pour laisser passer les fleuves ; et, dans ces déserts brûlans, les quadrupèdes suivent de préférence les bords des rivières. Les peuplades des côtes remontent aussi ces rivières, et prennent promptement connaissance, soit par elles-mêmes, soit par le commerce et la tradition des peuplades supérieures, de toutes les espèces remarquables qui vivent jusque vers les sources.

Il n’a donc fallu à aucune époque un temps bien long pour que les nations civilisées qui ont fréquenté les côtes d’un grand pays en connussent assez bien les animaux considérables, ou frappans par leur configuration.

Les faits connus répondent à ce raisonnement. Quoique les anciens n’aient point passé l’Imaüs et le Gange, en Asie, et qu’ils n’aient pas été fort loin, en Afrique, au midi de l’Atlas, ils ont réellement connu tous les grands animaux de ces deux parties du monde ; et, s’ils n’en ont pas distingué toutes les espèces, ce n’est point parce qu’ils n’avaient pu les voir, ou en entendre parler, mais parce que la ressemblance de ces espèces n’avait pas permis d’en reconnaître les caractères. La seule grande exception que l’on puisse m’opposer est le tapir de Malacca, récemment envoyé des Indes par deux jeunes naturalistes de mes élèves, MM. Duvaucel et Diard, et qui forme en effet l’une des plus belles découvertes dont l’histoire naturelle se soit enrichie dans ces derniers temps.

Les anciens connaissaient très-bien l’éléphant, et l’histoire de ce quadrupède est plus exacte dans Aristote que dans Buffon.

Ils n’ignoraient même pas une partie des différences qui distinguent les éléphans d’Afrique de ceux d’Asie[1].

Ils connaissaient les rhinocéros à deux cornes que l’Europe moderne n’a point vus vivans. Domitien en montra à Rome, et en fît graver sur des médailles. Pausanias les décrit fort bien.

  1. Voyez dans le tome Ier. de mes Recherches le chapitre des Éléphans.