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raient avoir tenu à des causes encore plus accidentelles. Rien ne nous assure que, dans le fond de la mer, certaines espèces, certains genres même, après avoir occupé plus ou moins long-temps des espaces déterminés, n’aient pu être chassés par d’autres. Ici, au contraire, tout est précis ; l’apparition des os de quadrupèdes, surtout celle de leurs cadavres entiers dans les couches, annonce, ou que la couche même qui les porte était autrefois à sec, ou qu’il s’était au moins formé une terre sèche dans le voisinage. Leur disparition rend certain que cette couche avait été inondée, ou que cette terre sèche avait cessé d’exister. C’est donc par eux que nous apprenons, d’une manière assurée, le fait important des irruptions répétées de la mer, dont les coquilles et les autres produits marins à eux seuls ne nous auraient pas instruits ; et c’est par leur étude approfondie que nous pouvons espérer de reconnaître le nombre et les époques de ces irruptions.

Secondement, la nature des révolutions qui ont altéré la surface du globe a dû exercer sur les quadrupèdes terrestres une action plus complète que sur les animaux marins. Comme ces révolutions ont, en grande partie, consisté en déplacemens du lit de la mer, et que les eaux devaient détruire tous les quadrupèdes qu’elles atteignaient, si leur irruption a été générale, elle a pu faire périr la classe entière, ou, si elle n’a porté à la fois que sur certains continens, elle a pu anéantir au moins les espèces propres à ces continens, sans avoir la même influence sur les animaux marins. Au contraire, des millions d’individus aquatiques ont pu être laissés à sec, ou ensevelis sous des couches nouvelles, ou jetés avec violence à la côte, et leur race être cependant conservée dans quelques lieux plus paisibles, d’où elle se sera de nouveau propagée après que l’agitation des mers aura cessé.

Troisièmement, cette action plus complète est aussi plus facile à saisir ; il est plus aisé d’en démontrer les effets, parce que le nombre des quadrupèdes étant borné, la plupart de leurs espèces, au moins les grandes, étant connues, on a plus de moyens de s’assurer si des os fossiles appartiennent à l’une d’elles, ou s’ils viennent d’une espèce perdue. Comme nous sommes, au contraire, fort loin de con-