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eux, non seulement par le tempérament, par le climat et par la nature du sol qu’ils habitaient, mais encore par la constitution politique et religieuse qu’ils s’étaient donnée, et dont cette constitution même doit rendre le témoignage également suspect[1].

Chez tous les trois une caste héréditaire était exclusivement chargée du dépôt de la religion, des lois et des sciences ; chez tous les trois cette caste avait son langage allégorique et sa doctrine secrète ; chez tous les trois elle se réservait le privilège de lire et d’expliquer les livres sacrés dans lesquels toutes les connaissances avaient été révélées par les dieux eux-mêmes.

On comprend ce que l’histoire pouvait devenir en de pareilles mains ; mais sans se livrer à de grands efforts de raisonnement on peut le savoir par le fait, en examinant ce qu’elle est devenue parmi celle de ces trois nations qui subsiste encore : parmi les Indiens.

La vérité est qu’elle n’y existe point du tout. Au milieu de cette infinité de livres de théologie mystique ou de métaphysique abstruse que les brames possèdent, et que l’ingénieuse persévérance des Anglais est parvenue à connaître, il n’existe rien qui puisse nous instruire avec ordre sur l’origine de leur nation et sur les vicissitudes de leur société : ils prétendent même que leur religion leur défend de conserver la mémoire de ce qui se passe dans l’âge actuel, dans l’âge du malheur[2].

Après les Vedas, premiers ouvrages révélés et fondemens de toute la croyance des Indous, la littérature de ce peuple comme celle des Grecs commence par deux grandes épopées : le Ramaïan et le Mahâbarat, mille fois plus monstrueuses dans leur merveilleux que l’Iliade et l’Odyssée, bien que l’on y reconnaisse aussi des traces d’une doctrine métaphysique du genre de celles que l’on est convenu d’ap-

  1. Cette ressemblance des institutions va au point qu’il est très-naturel de leur supposer une origine commune. On ne doit pas oublier que beaucoup d’anciens auteurs ont pensé que les institutions égyptiennes venaient de l’Ethiopie, et que le Syncelle, page 151, nous dit positivement que les Éthiopiens étaient venus des bords de l’Indus du temps du roi Amenophtis.
  2. Voyez Polier, Mythologie des Indous, tome 1, pages 89 et 91.