Page:Diogène Laërce - Vies, édition Lefèvre,1840.djvu/11

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
iii
PRÉLIMINAIRE.


ont étudié les secrets ressorts, qu’une puissance aveugle qui dirige tout à sa fin avec autant d’ordre que si elle était intelligente. En considérant, d’un côté, combien ce dogme philosophique est opposé à la saine morale, on conçoit mieux de l’autre combien elle était profondément enracinée dans leur cœur, puisque leurs erreurs sur Dieu et la Providence n’ont point détruit leurs idées sur la probité, et que, dans un cœur vainement mutiné contre le joug que lui imposait la raison, leur esprit a eu assez de force pour étouffer le cri des passions. Nous conclurons de là qu’un philosophe n’est pas fait comme le vulgaire des hommes, chez qui la persuasion intime de l’existence d’un être suprême fait toute la vertu.

Le dogme des peines et des récompenses d’une autre vie est pour les hommes ordinaires un frein qu’ils blanchissent d’écume. Il les contient dans leur devoir ; aussi voyons-nous que tous les législateurs en ont fait la base de leurs lois. Quant aux philosophes, ils trouvent dans leur raison, indépendamment de ce dogme, des motifs suffisants pour être fidèles à leurs devoirs. Il semble que la Divinité ait voulu qu’ils rendissent témoignage à l’excellence de leur nature par l’éclat de leurs vertus morales, comme les chrétiens le rendent à la beauté de la religion révélée par le spectacle des vertus d’un ordre bien supérieur. En voyant ce que la raison seule peut produire, l’esprit est porté à bénir l’auteur de la nature, et non à le blasphémer, à l’imitation de certains raisonneurs téméraires pour qui les désordres physiques et moraux ont été une pierre de scandale.

Les philosophes qui, comme Épicure, niaient une Providence, ne faisaient pas pour cela de leur liberti-