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Sache à ton tour.

Le monde est de l’ombre agitée ;
L’ombre en heurtant ses flots produit le chaos noir,
D’où sort la masse informe et brute, laissant voir
Dans ses plis ces noirceurs, ces larves, ces chimères
Que la nuit sombre appelle à voix basse les Mères ;
Et le père de tout, c’est le vague étoilé.

L’univers a sur lui, globe d’ombre mêlé,
Trois déesses qui sont trois aveugles terribles.
Maîtresses du réseau des forces invisibles,
Elles ouvrent sans bruit leurs bras insidieux,
Et prennent les titans, les hommes et les dieux ;
L’œil partout voit surgir une sombre inconnue ;
Sur la terre Vénus, la grande nymphe nue,
En bas, dans l’âpre lieu des mânes redouté,
Le spectre Hécate, en haut l’ombre Fatalité ;
Vénus étreint la vie et rien ne lui résiste,
Hécate tient l’enfer, et, comme un geôlier triste,
L’ombre Destin s’adosse au grand ciel constellé.
On voit sur l’azur noir ce fantôme voilé.
Ainsi le monde, enfer, terre et cieux, plein de haines,
Est triple pour souffrir et frémit sous trois chaînes.
Tout par une noirceur vers un gouffre est conduit.
Hécate, c’est la nuit, le Destin, c’est la nuit,
Et Vénus, c’est la nuit ; Vénus, fauve et fatale,
. A deux filles, la mort et la volupté pâle ;
Et Mort et Volupté sont deux ombres qui font
Chacune sous la vie un abîme sans fond.