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Les principaux édits donnés pour l’établissement des jurés, leurs élections, leurs droits, visites, &c. sont des années 1581, 1588 & 1597, sous Henri III. & Henri IV.

En 1691 Louis XIV. supprima par un édit du mois de Mars, tous les maîtres-gardes, syndics & jurés d’élection, & créa en leur place autant de maîtres & gardes, syndics & jurés en titre d’office, dans tous les corps des marchands, communautés des Arts & Métiers de la ville & faubourgs de Paris, & de toutes les autres villes & bourgs clos du royaume. Mais peu de ces offices ayant été levés, & les corps & communautés les ayant acquis moyennant le payement des taxes réglées par le rôle du conseil du 10 Avril 1691 ; il y en a peu, tant à Paris que dans le reste du royaume, qui ne soient rentrées en possession d’élire leurs jurés & autres officiers. Dict. de Commerce.

Juré, s. m. (Commerce.) terme fort connu dans les anciennes déclarations des rois de France au sujet des corps des Marchands & des communautés des Arts & Métiers du royaume. On appelle villes jurées, bourgs jurés, les villes & les bourgs dont des corps & communautés ont des jurés ; villes non jurées, & bourgs non jurés, ceux & celles qui n’en ont point. Dictionnaire de Commerce.

Juré teneur de livres, c’est celui qui est pourvu par lettres-patentes du Roi, & qui a prêté serment en justice pour la vérification des comptes & calculs lorsqu’il y est appellé. Dictionnaire de Commerce.

Jurés maîtres marqueurs de mesures ; on appelle ainsi en Hollande des officiers établis par les colléges des amirautés pour faire le jaugeage & mesurage des vaisseaux. Voyez Marqueurs. Dictionnaire de Commerce.

JURÉE, s. f. (Jurisprud.) signifie quelque serment, quelquefois certain droit qui se paye pour la jurisdiction & connoissance des causes. On appelle bourgeois de jurée, hommes & femmes de jurée, ceux qui doivent au Roi ou à quelque autre seigneur haut-justicier, un droit de jurée qui est communément de six deniers pour livre des meubles, & deux deniers pour livre des immeubles, à-moins qu’il n’y ait quelque abonnement. (A)

IVRÉE, (Géog.) ville d’Italie en Piémont, capitale du Canavez, avec une forteresse, un évêché suffragant de Turin, & titre de marquisat qui commença sous Charlemagne, & qui ne subsiste plus. Cette ville est très-ancienne : Velleius Paterculus, l. I. c. xvj. rapporte que sous le consulat de Marius & de Valerius Flaccus, les Romains y envoyerent une colonie. Brutus en parle dans ses lettres à Ciceron, & Antonin en fait mention dans son itinéraire ; elle appartient au roi de Sardaigne, & est plus remarquable par son ancienneté que par sa beauté & par sa grandeur, ne contenant que cinq ou six mille ames.

La Doria qui l’arrose, y est fort rapide ; on la passe sur un pont qui n’a qu’une arche. Le nom latin d’Eporedia qu’avoit cette ville, s’est changé avec le tems en Eborcia, Ivorcia, jusque-là qu’on est parvenu à dire Ivrée.

Les Romains lui donnerent le nom d’Eporedia, parce qu’au témoignage de Pline, les Gaulois appelloient Eporedicos, ceux qui s’entendoient à dompter & à dresser les chevaux, soit que les habitans d’Ivrée s’occupassent de ce métier, soit que les Romains entretinssent dans ce pays-là un grand nombre de chevaux aux dépens du public, & les y fissent exercer. Dans le théatre du Piémont on écrit Ivrée : elle est située en partie dans la plaine, en partie sur une colline d’une montée douce, à 8 lieues N. E. de Turin, 13 S. E. de Suze, 10 S. O. de Ver-

ceil. Long. 25. 23. lat. 45. 12. (D. J.)

JUREMENT, s. m. Littérat. & Mythol.) affirmation qu’on fait d’une chose, en marquant cette affirmation d’un sceau de religion.

Les juremens ont pris chez tous les peuples autant de formes différentes que la divinité ; & comme le monde s’est trouvé rempli de dieux, il a été inondé de juremens au nom de cette multitude de divinités.

Les Grecs & les Romains juroient tantôt par un dieu, tantôt par deux, & quelquefois par tous ensemble. Ils ne reservoient pas aux dieux seuls le privilége d’être les témoins de la vérité ; ils associoient au même honneur les demi-dieux, & juroient par Castor, Pollux, Hercule, &c. avec cette différence chez les Romains, que les hommes seuls juroient par Hercule ; les hommes & les femmes par Pollux, & les femmes seules par Castor : mais ces regles même, quoiqu’en dise Aulugelle, n’étoient pas inviolablement observées. Il est mieux fondé quand il observe que le jurement par Castor & Pollux, fut introduit dans l’initiation aux mysteres éleusyniens, & que c’est de-là qu’il passa dans l’usage ordinaire.

Les femmes juroient aussi généralement par leurs Junons, & les hommes par leurs Génies ; mais il y avoit certaines divinités, au nom desquelles on juroit plus spécialement en certains lieux, qu’en d’autres. Ainsi à Athènes, on juroit le plus souvent par Minerve, qui étoit la déesse tutélaire de cette ville ; à Lacédemone, par Castor & Pollux ; en Sicile, par Proserpine ; parce que ce fut en ce lieu, que Pluton l’enleva ; & dans cette même île, le long du fleuve Simettre, on juroit par les dieux Palices. Voyez Palices.

Les particuliers avoient eux-mêmes certains sermens, dont ils usoient davantage selon la différence de leur état, de leurs engagemens, & de leurs goûts. Les vestales juroient volontiers par la déesse Vesta, les femmes mariées par Junon, les laboureurs par Cérès, les vendangeurs par Bacchus, les chasseurs par Diane, &c.

Non-seulement l’on juroit par les dieux & les demi-dieux, mais encore par tout ce qui relevoit de leur empire, par leurs temples, par les marques de leur dignité, par les armes qui leur étoient particulieres. Juvenal, qui comme Séneque, ne sait pas toûjours s’arrêter où il le faut, nous présente une longue liste des armes des dieux, par lesquels les jureurs de profession tâchoient de donner du poids à leurs paroles. Un homme de ce caractere, dit-il, brave dans ses juremens les rayons du soleil, les foudres de Jupiter, l’épée de Mars, les traits d’Apollon, les fleches de Diane, le trident de Neptune, l’arc d’Hercule, la lance de Minerve, & finalement, ajoute ce poëte dans son style emphatique, tout ce qu’il y a d’armes dans les arsenaux du ciel.

Quicquid habent telorum armamentaria cœli.

Les Poëtes & les Orateurs imaginerent de certifier leurs affirmations, en jurant par les personnes qui leur étoient cheres, soit qu’elles fussent mortes ou vivantes : j’en jure par mon pere & ma mere, dit Properce.

Ossa tibi juro per matris, & ossa parentis.

Quintilien s’écrie au sujet de sa femme, & d’un fils qu’il avoit perdu fort jeune : j’en jure par leurs manes, les tristes divinités de ma douleur, per illos manes, numina doloris mei : j’en atteste les dieux, & vous, ma sœur, dit tendrement Didon dans l’Eneïde, testor, cara, deos, & te germana.

Quelque fois les anciens juroient par une des principales parties du corps, comme par la tête ou par la main droite : j’en jure par ma tête, dit le jeune