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quelques-uns par lesquels je ne puis mieux terminer cet article.

1°. Il s’agit de favoriser puissamment l’Agriculture, la population & le commerce, sources des richesses du sujet & du souverain. 2°. Proportionner le bénéfice des affaires de finance à celui que donne le négoce & le défrichement des terres en général ; car alors les entreprises de finances seront encore les meilleures, puisqu’elles sont sans risque, outre qu’il ne faut jamais oublier que le profit des financiers est toujours une diminution des revenus du peuple & du roi. 3°. Restraindre l’usage immodéré des richesses & des charges inutiles. 4°. Abolir les monopoles, les péages, les privileges exclusifs, les lettres de maîtrise, le droit d’aubaine, les droits de franc-fiefs, le nombre & les véxations des fermiers. 5°. Retrancher la plus grande partie des fêtes. 6°. Corriger les abus & les gênes de la taille, de la milice & de l’imposition du sel. 7°. Ne point faire de traités extraordinaires, ni d’affoiblissement dans les monnoies. 8°. Souffrir le transport des especes, parce que c’est une chose juste & avantageuse. 9°. Tenir l’intérêt de l’argent aussi bas que le permet le nombre combiné des prêteurs & des emprunteurs dans l’état. 10°. Enfin, alléger les impôts, & les répartir suivant les principes de la justice distributive, cette justice par laquelle les rois sont les représentans de Dieu sur la terre. La France seroit trop puissante, & les François seroient trop heureux, si ces moyens étoient mis en usage. Mais l’aurore d’un si beau jour est-elle prête à paroître ? (D. J.)

Impot en faveur du Théâtre, c’est dans les anciens auteurs un impôt qu’on levoit sur le peuple par voie de taxe, pour payer les frais des représentations théatrales, ou d’autres spectacles. Voyez Spectacle.

Il y avoit plusieurs questeurs ou tresoriers particuliers pour cet impôt ; il fut établi par une loi d’Eubulus, que ce seroit un crime capital de détourner à d’autres usages l’argent destiné aux frais du théâtre, & même de s’en servir pour les besoins de la guerre.

Parmi nous on tire du théâtre même une espece d’impôt en faveur des pauvres. C’est le quart de la somme que produit chaque représentation, & on l’appelle le quart des hôpitaux à l’entretien desquels cet argent est affecté. On accepte l’aumône du comédien, & on lui refuse des prieres.

* IMPRATICABLE, (Gramm.) qui ne peut être pratiqué. Il se dit des choses & des personnes. Ces chemins sont impraticables. C’est un homme impraticable. Tout ce qui fait un obstacle insurmontable à l’exercice de nos facultés, sur-tout corporelles, s’appelle ou peut s’appeller impraticable.

IMPRÉCATION, s. f. (Antiq. greq. & rom.) execratio, devotio, deprecatio, obsecratio, c’est-à-dire malédiction. Ce terme dans l’acception commune, désigne proprement des vœux formés par la colere ou par la haine.

On appelle de ce mot les expressions emportées, que le desir de la vengeance nous arrache, lorsque nous sentant trop foibles pour nuire par nous-mêmes à ce que nous haïssons, nous osons réclamer le secours de la divinité, & l’inviter à épouser nos ressentimens.

Mais il s’agit ici de ces imprécations singulieres des anciens, que leur religion & la croyance des peuples autorisent. Ce sujet vraîment curieux pour un littérateur philosophe, a fait la matiere de plusieurs savans mémoires insérés dans le recueil de l’académie des Belles-Lettres : il en faut détacher les généralités les plus importantes & les plus assortissantes au plan de cet Ouvrage.

Commençons par distinguer les imprécations des anciens, en imprécations publiques, en imprécations

des particuliers, & en imprécations contre soi-même, lorsqu’on se dévouoit pour la patrie ; mais nous ne dirons rien de ces dernieres, parce que nous en avons déja traité à l’article Dévouement, (Hist. & Littér.)

J’entends par imprécations publiques, celles que l’autorité publique ordonnoit en certains cas chez les Grecs, chez les Romains, & chez quelques autres peuples.

Les citoyens impies, mais sur-tout les oppresseurs de la liberté & les ennemis de l’état, furent l’objet le plus ordinaire de ces sortes d’imprécations. Alcibiade en subit la peine, pour avoir mutilé les statues de Mercure, & pour avoir profané les sacrés mysteres de Cérès.

Dès que les Athéniens eurent secoué le joug des Pisistratides, un decret du sénat ordonna des imprécations contre Pisistrate & ses descendans. Un pareil decret en ordonna de plus fortes encore contre Philippe, roi de Macédoine. Tite-Live nous en a conservé la teneur que voici.

Le peuple, dit-il, obtint du sénat un decret, qui portoit que les statues qu’on avoit élevées à ce prince, seroient renversées ; que tous ses portraits seroient déchirés ; que son nom & ceux de ses ancêtres de l’un & de l’autre sexe, seroient effacés ; que les fêtes établies en son honneur seroient réputées profanes, & les jours où on les célébroit, des jours malheureux ; que les lieux où l’on avoit placé quelque monument à sa gloire, seroient déclarés des lieux exécrables ; enfin, que les prêtres dans toutes leurs prieres publiques pour les Athéniens & pour leurs alliées, seroient obligés de joindre des malédictions contre la personne & la famille de Philippe. On inséra depuis dans le decret, que tout ce qui pourroit être imaginé pour flétrir le nom du roi de Macédoine, seroit avoué & adopté par le peuple d’Athènes ; & que si quelqu’un osoit s’y opposer, il seroit regardé pour ennemi de l’état.

Eschine nous apprend que les Amphictions s’obligerent par une amere imprécation, non-seulement à ne jamais cultiver, mais même à ne jamais permettre qu’on cultivât les terres des Cyrrhéens & des Acragallides, qui avoient prophané le temple de Delphes, & s’étoient gorgés du butin des offrandes dont l’avoit enrichi la piété des peuples : voici les propres termes de l’imprécation, ils sont bien curieux.

« Si quelqu’un, soit particulier, soit ville, soit nation entiere, viole cet engagement, qu’on les déteste comme criminels de leze-majesté divine envers Apollon, Latone, Diane & Minerve ; que leurs terres ne donnent point de fruits ; que leurs femmes n’enfantent pas des hommes, mais des monstres ; que leurs troupeaux ne produisent que des masses contraires à l’ordre de la nature ; que sans cesse de tels gens succombent dans toute expéditions de guerre, dans tout jugement de tribunal, dans toute délibération de peuple, qu’eux, leur famille & leur race, périssent par une extermination totale ; qu’enfin aucune victime de leur part ne trouve grace devant les quatre divinités offensées, & qu’à jamais elles rejettent de semblables sacrifices ».

Comme toutes les imprécations avoient pour but d’attirer la colere des dieux sur la tête de celui contre qui on les prononçoit, les divinités, qui dans la Mythologie présidoient à la vengeance, entre lesquelles les Furies tenoient le premier rang, étoient celles qu’on invoquoit le plus généralement dans les imprécations.

Les vœux qu’on leur adressoit sont appellés indistinctement, execrationes, execrationum carmen, diroe, deprecationes, devotiones, vota feralia, termes qui