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mortelle, pourroit être aussi persuadé que l’ame sensitive dans les hommes comme dans les bêtes, est purement corporelle, & qu’il y a une vie matérielle & plastique, c’est-à-dire, qui a la faculté de faire des organes dans les semences de toutes les plantes & de tous les animaux, par laquelle leurs corps sont formés. Il pourroit croire en conséquence de cela, que toute la matiere a une vie naturelle en elle-même, quoique ce ne soit pas une vie animale. Pendant qu’un tel homme retiendroit la créance d’une divinité & d’une ame raisonnable & immortelle, on ne pourroit l’accuser d’athéisme déguisé. Mais au lieu que l’ancien sentiment des atomes menoit droit à reconnoître qu’il y a des substances qui ne sont pas corps, quoique Démocrite ait fait violence à ces deux dogmes pour les séparer, il faut avouer que l’Hylozoïsme est naturellement uni avec la pensée de ceux qui n’admettent que des corps.

Ainsi l’Hylozoïsme ne sauroit être justifié d’athéisme, dès qu’il est joint au matérialisme. En voici deux raisons ; la premiere, c’est qu’alors l’Hylozoïsme dérive l’origine de toutes choses d’une matiere qui a une espece de vie, & même une connoissance infaillible de tout ce qu’elle peut faire & souffrir. Quoique cela semble une espece de divinité, n’y ayant dans la matiere considérée en elle-même aucune connoissance réfléchie, ce n’est autre chose qu’une vie, comme celle des plantes & des animaux. La nature des Hylozoïstes est une mystérieuse absurdité, puisque l’on suppose que c’est une chose parfaitement sage, comme étant la cause de l’admirable disposition de l’univers, & néanmoins qu’elle n’a aucune conscience intérieure ni connoissance réfléchie ; au lieu que la divinité, conformément à sa véritable notion, est une intelligence parfaite, qui sçait toutes les perfections qu’elle renferme, qui en jouit, & qui est par-là souverainement heureuse. 2°. Les Hylozoïstes matérialistes, en établissant que toute matiere comme telle a de la vie en elle-même, doivent reconnoître une infinité de vies, puisque chaque atome a la sienne ; vies collatérales, pour ainsi dire, & indépendantes l’une de l’autre, & non une vie commune ou une intelligence générale qui préside sur tout l’univers ; au lieu que dire qu’il y a un Dieu, c’est supposer un être vivant & intelligent, qui est l’origine & l’architecte de tout. On voit donc que les Hylozoïstes matérialistes sont de véritables athées, quoique d’un côté ils semblent approcher de plus près de ceux qui reconnoissent un Dieu. C’est une nécessité que tous les athées attribuent quelques-unes des propriétés incommunicables de la divinité à ce qui n’est point Dieu, & particulierement à la matiere ; car il faut indispensablement qu’ils lui attribuent l’existance par elle-même, & la prééminence qui fait qu’elle est le premier principe de toutes choses. La divinité à qui les Hylozoïstes matérialistes rendent tout le culte dont ils sont capables, est une certaine déesse aveugle, qu’ils appellent nature, ou vie de la matiere, & qui est je ne sai quoi de parfaitement sage & d’infaillible dans ses lumieres, sans en avoir aucune connoissance. Telles sont les absurdités inévitables en tout genre d’athéisme. Si l’on ne savoit pas qu’il y a eu des athées, & qu’il y en a encore, on auroit peine à croire que des gens, qui n’étoient pas destitués d’esprit, n’ayent pû digérer l’éternité d’un être sage & intelligent, ni la formation de l’univers par cet être, & qu’ils ayent mieux aimé attribuer à la matiere cette même éternité, qui leur fait tant de peine quand on l’attribue à une nature immatérielle. Voyez Athéisme. Matiere. Lisez aussi le premier article du tome II de la biblioth. choisie de M. le Clerc.

HYMEN, s. m. (Anatom.) C’est sous ce nom que les anciens ont déïfié une membrane charnue, placée à l’origine du vagin, dont elle retrécit l’entrée.

Le mot grec ὑμὴν, signifie proprement un pellicule, une membrane, & répond aux mots de la même langue χιτὼν & μῆνιξ, desquels mots on fait usage suivant les parties du corps où ces membranes se trouvent placées.

Mundinus a le premier parlé de l’hymen comme d’un voile mis constamment par la nature au-devant du vagin ; il l’appelle velamen subtile quod in violatis rumpitur, cum effusione sanguinis, le voile de la pudeur, qui se rompt dans la défloration avec effusion de sang. Picolhomini a pareillement nommé ce voile, le cloître de la virginité, claustrum virginitatis. Les Italiens l’appellent en conséquence dans leur langue, la telletta valvola, sede della virginita. Les Latins, flos virginitatis, zona virginea ; & les matrones françoises, la dame du milieu. Tous ces noms indiquent assez le cas qu’on en a fait & l’idée qu’on s’en est formée.

Aussi est-il arrivé que cette membrane délicate, de figure indéterminée, qui se trouve ou ne se trouve pas dans le conduit de la pudeur, qui est visible ou invisible, a causé plus de maux dans le monde que la fatale pomme jettée par la Discorde sur la table des dieux aux nôces de Thétis & de Pelée.

Cependant on peut voir dans Riolan, Bartholin, de Graaf & autres, combien les anciens Anatomistes disputoient pour & contre l’existance de cette membrane, ainsi que sur sa situation & sa figure. Les modernes ont continué la même dispute, sans pouvoir mieux s’accorder que leurs prédécesseurs.

Falloppe, Vésale, Riolan, Carpi, Platerus, Techmeyer, Morgagni, Diemerbrock, Drake, Heister, Ruysch, Winslow & autres, regardent la membrane de l’hymen comme une partie non-seulement réelle, mais qu’on doit mettre constamment au nombre de celles de la génération des femmes. Ils assurent que cette membrane est charnue ; qu’elle est fort mince dans les jeunes vierges, & plus épaisses dans les filles adultes ; qu’elle est située au-dessous de l’orifice de l’uretre ; qu’elle ferme en partie l’entrée du vagin ; qu’elle est percée d’une ouverture ronde, oblongue, ovalaire, si petite néanmoins, qu’on pourroit à peine y faire passer un pois dans l’enfance, & une grosse feve dans l’âge de puberté.

M. Winslow entre dans les détails les plus propres à nous-persuader de l’existance de l’hymen, comme d’une chose constante. C’est, dit-il, un cercle membraneux qui borde l’extrémité antérieure du vagin dans les vierges, sur-tout dans la jeunesse & avant les regles. Ce repli membraneux, plus ou moins large, plus ou moins égal, quelquefois semi-lunaire, laisse une très-petite ouverture dans les unes, plus grande dans les autres, mais rendant pour l’ordinaire l’orifice externe du vagin généralement plus étroit que le diametre de sa cavité. Ce repli, continue-t-il, est formé par la rencontre de la membrane interne du vagin, avec la membrane ou la peau de la face interne des grandes aîles. Il peut s’effacer par des regles abondantes, par des accidens particuliers, par imprudence, par légereté, par tempérament & par d’autres causes. Il se rompt presque toûjours par la consommation du mariage, mais il se détruit inmanquablement par l’accouchement ; & pour lors il n’en reste plus rien, ou seulement des lambeaux irréguliers, qu’on nomme caroncules myrtiformes, à cause de quelque ressemblance avec des feuilles de myrthe. On ne trouve point, ajoûte-t-il, ces caroncules dans les jeunes filles véritablement pucelles ; on ne les trouve que dans les adultes, parce qu’elles