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gnes, les incommodités auxquelles sont particulierement sujets les gens de mer, les femmes, les gens de Lettres, & tous ceux qui menent une vie sédentaire ; qu’elle soit un préservatif assûré contre le venin de la petite vérole & des autres maladies éruptives, contre les maladies des dents & des gencives, &c. & extérieurement en lotion, en bain, en injection, dans les ulceres putrides, rébelles, la galle, les dartres, la paralysie, les rhumatismes, &c. Quoiqu’on ne doive pas craindre, avec le traducteur de l’ouvrage de Berkeley, de ne pas avoir qualifié ce remede assez honorablement, lorsqu’on l’a appellé un spécifique merveilleux ; il est certain cependant que l’eau de goudron n’est pas un secours à négliger dans le traitement de plusieurs maladies de l’estomac, dans les embarras des reins & des voies urinaires, les maladies de la peau, les suppressions des regles, les affections œdémateuses, & peut être même dans les maladies véritablement putrides ou gangréneuses, dans les amas bilieux, les maladies scorbutiques, &c.

Pour faire l’eau de goudron, « versez quatre pintes d’eau froide sur une de goudron, puis remuez-les & les mêlez intimement avec une cuilliere de bois ou un bâton plat, durant l’espace de cinq à six minutes ; après quoi laissez reposer le vaisseau bien exactement fermé pendant deux fois vingt-quatre heures, afin que le goudron ait le tems de se précipiter. Ensuite vous verserez tout ce qu’il y a de clair, l’ayant auparavant écumé avec soin sans remuer le vaisseau, & en remplirez pour votre usage des bouteilles que vous boucherez exactement, le goudron qui reste n’étant plus d’aucune vertu, quoiqu’il puisse encore servir aux usages ordinaires.... Moins d’eau, ou l’eau plus battue, rend la liqueur plus forte ; & au contraire. Sa couleur ne doit pas être plus claire que celle du vin blanc de France, ni plus foncée que celle du vin d’Espagne ».

Recherches sur les vertus de l’eau de goudron, traduites de l’anglois du sieur Berkeley. La dose de cette eau varie selon l’âge, les forces du malade, l’indication à remplir, &c. La regle la plus générale pour les adultes, c’est d’en prendre depuis une demi-livre jusqu’à une livre, & même jusqu’à deux livres tous les jours, le matin à jeun, & le soir ou l’après midi plusieurs heures après le repas, à chaud ou à froid, selon l’état de l’estomac, le goût du malade, &c.

Berkeley dit que son eau de goudron est en même tems un savon & un vinaigre. Cartheuser nous apprend sa composition d’une maniere plus positive : selon cet auteur, l’eau de goudron est chargée d’une substance résineuse, gommeuse, resina gummea, qui se manifeste non-seulement par l’odeur, le goût, & la couleur qu’elle donne à l’eau, mais encore par la distillation (c’est cette substance que le docteur Berkeley appelle savon) ; & de quelques parties acides qui sont sensibles au goût, & qui donnent à l’eau la propriété de rougir le sirop de violette, & de faire effervescence avec les alkalis ; c’est là le vinaigre de Berkeley.

Cartheuser admet encore dans cette eau des parties qu’il appelle oleo spirituosæ balsamicæ : cette expression ne désigne aucun être chimique bien déterminé ; elle peut convenir cependant au principe de l’odeur qui est fort abondant dans l’eau de goudron. L’acide dont elle est chargée, est un produit de la décomposition qu’a éprouvé la résine qui s’est changée en goudron dans l’opération par laquelle on prépare cette derniere substance, comme il arrive dans l’analyse par le feu de toutes les substances balsamiques & résineuses. Voyez Résine. (b)

GOUÉ ou GOUET, s. m. parmi les Marchands de bois, est une grosse serpe dont les Flotteurs se servent

pour faire les coches de leurs chantiers & autres. Les Bucherons ont la même serpe pour couper leur bois, & les Vignerons pour aiguiser leurs échalats.

GOUEL (le) Géog. petite riviere des Indes, dans les états du Mogol, au pays de Raia Rotas. Elle a sa source aux confins du royaume de Bengale dans les montagnes ; & après un long cours, elle va se perdre dans le Gange. Le gouel produit des diamans, mais rarement de gros ; cependant Tavernier vous indiquera comment chaque année, sept ou huit mille personnes de tout sexe & de tout âge se rendent des lieux voisins, pour en faire la recherche ensemble ; je dirai seulement, que c’est de cette riviere que viennent toutes les belles pointes, qu’on appelle pointes naïves (D. J.)

GOVERNOLO ou GOVERNO, (Géog.) petite place d’Italie dans le Mantoüan, sur le Mincio, près du Po, à 5 lieues S. E. de Mantoue, 5 N. O. de la Mirandole. On croit que c’est l’Ambuleyus ager des anciens, & alors il étoit de la Vénétie. Ce lieu est connu dans l’Histoire par l’entre vûe du pape saint Léon avec Attila ; entre-vûe qui nous a procuré un chef-d’œuvre de Raphaël. (D. J.)

GOUESMON, s. m. (Marine.) voyez Varech.

GOUFFRE, s. m. (Phys.) les gouffres ne paroissent être autre chose que des tournoyemens d’eau causés par l’action de deux ou de plusieurs courans opposés ; l’Euripe si fameux par la mort d’Aristote, absorbe & rejette alternativement les eaux sept fois en vingt-quatre heures ; ce gouffre est près des côtes de la Grece. Voyez Euripe. Le Carybde qui est près du détroit de Sicile, rejette & absorbe les eaux trois fois en vingt-quatre heures : au reste on n’est pas trop sûr du nombre de ces alternatives de mouvement dans ces gouffres.

Le plus grand gouffre que l’on connoisse, est celui de la mer de Norvege ; on assûre qu’il a plus de vingt lieues de circuit : il absorbe pendant six heures tout ce qui est dans son voisinage, l’eau, les baleines, les vaisseaux, & rend ensuite pendant autant de tems tout ce qu’il a absorbé.

Il n’est pas nécessaire de supposer dans le fond de la mer des trous & des abysmes qui engloutissent continuellement les eaux, pour rendre raison de ces gouffres ; on sait que quand l’eau a deux directions contraires, la composition de ces mouvemens produit un tournoyement circulaire, & semble former un vuide dans le centre de ce mouvement, comme on peut l’observer dans plusieurs endroits auprès des piles qui soûtiennent les arches des ponts, sur-tout dans les rivieres rapides : il en est de même des gouffres de la mer, ils sont produits par le mouvement de deux ou de plusieurs courans contraires ; & comme le flux & le reflux sont la principale cause des courans, ensorte que pendant le flux ils sont dirigés d’un côté, & que pendant le reflux ils vont en sens contraire, il n’est pas étonnant que les gouffres qui résultent de ces courans, attirent & engloutissent pendant quelques heures tout ce qui les environne, & qu’ils rejettent ensuite pendant tout autant de tems tout ce qu’ils ont absorbé. Voyez Courans.

Les gouffres ne sont donc que des tournoyemens d’eau qui sont produits par des courans opposés, & les ouragans ne sont que des tourbillons ou tournoyemens d’air produits par des vents contraires ; ces ouragans sont communs dans la mer de la Chine & du Japon, dans celle des îles Antilles, & plusieurs endroits de la mer, sur-tout auprès des terres avancées & des côtes élevées ; mais ils sont encore plus fréquens sur la terre, & les effets en sont quelquefois prodigieux. « J’ai vû, dit Bellarmin (je ne le croirois pas si je ne l’eusse pas vû), une fosse énorme, creusée par le vent, & toute la terre de cette fosse emportée sur un village ; ensorte que l’endroit d’où