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trifiables ; la seconde renferme les substances calcaires. Soit seules, soir par leur mélange, ces matieres composent les terres, les pierres, les métaux, les minéraux de toute espece ; il n’est pas de notre objet de les détailler. Nous ne nous attachons à ces diverses substances, qu’autant que nous nous occupons de leurs dispositions relatives par rapport à la structure intérieure du globe.

Les argilles, les sables, les schitz, les charbons de terre, les rocs vifs, les grès étendus, les marnes, les pierres à chaux sont posés par lits & par bancs : mais les tufs, les grès en petites masses, les cailloux, les crystaux, les métaux, les minéraux, les pyrites, les soufres, les stalactites, les incrustations, se trouvent par amas, par filons, par veines irrégulierement disposées, mais cependant assujetties à quelques formes, sur-tout les crystallisations & les sels.

Mais ce qui a singulierement attiré l’attention des observateurs parmi les substances qui composent les couches terrestres, est cette multitude considérable de fossiles en nature ou en pétrifications. On trouve des coquilles de différentes especes, des squelettes de poissons de mer qui sont parfaitement semblables aux coquilles, aux poissons actuellement vivans dans la mer. Ces fossiles par leur poli, leurs couleurs, leur émail naturel, présentent des dépouilles reconnoissasables des animaux. Les coquilles sont entieres ; tout y est semblable, soit au dedans soit au-dehors, dans leur cavité, dans leur convexité, dans leur substance ; les détails de la configuration, les plus petites articulations y sont dessinées : on trouve les coquillages de la même espece par grouppes, de petits & de jeunes attachés aux gros ; & tous sont dans leur tas & dans les lits posés sur le plat & horisontalement. Certaines coquilles paroissent avoir éprouvé une espece de calcination plus ou moins grande, & une décomposition qui en altere la forme en grande partie ; elles sont imparfaites, mutilées, par fragmens.

Les bancs qu’on a trouvés en différens endroits, ont une étendue très-considérable ; il y en a une masse de plus de cent trente millions de toises cubiques en Touraine ; dans la plûpart des carrieres de pierre, cette substance lie les autres & y domine. Quant aux pétrifications qui ne présentent que les empreintes ou en relief ou en creux, d’animaux & de végétaux, elles sont d’une substance pierreuse, métallique, & diversement colorée ; les unes présentent une forme parfaite, d’autres sont mutilées, courbées, applaties, alongées.

On trouve enfin une multitude étonnante de fossiles ou conservés ou altérés ou pétrifiés, dans les couches des montagnes comme sous les plaines ; au milieu des continens, comme dans les îles ; dans les premiers lits, comme dans les plus profonds ; depuis le sommet des Alpes, jusqu’à cent piés sous terre dans le terrein d’Amsterdam ; dans toute la chaîne qui traverse l’ancien continent depuis le Portugal jusqu’à la Chine ; dans les matieres les plus legeres, comme dans les substances les plus dures & les plus compactes. Ces fossiles y sont incorporés, pétrifiés, & remplis constamment de la substance même qui les environne. On trouve enfin des coquilles legeres & pesantes dans les mêmes matieres ; dans un seul endroit, les especes les plus disparates ; dans les endroits les plus éloignés, les especes les plus ressemblantes, & dont les analogues, soit végétaux soit animaux, sont ou dans des mers éloignées ou dans des parages voisins, ou ne sont pas encore connus.

Il faut remarquer qu’il y a plus de coquilles & de pétrifications dans les matieres calcaires, dans les marnes, dans les pierres à chaux, &c. que dans les matieres vitrifiables : on en trouve de dispersées dans les sables. On n’a point encore vû de coquilles dans les grès & le roc vif en petites masses : enfin

on n’a pû découvrir de coquilles au Pérou dans les montagnes des Cordelieres.

La disposition de toutes ces couches dont nous venons d’examiner les formes & la substance, sert à recueillir & à distribuer régulierement les eaux de pluie, à les contenir en différens endroits, à les verser par les sources, qui ne sont proprement que l’interruption & l’extrémité d’un aqueduc naturel formé par deux lits de matieres propres à voiturer l’eau : car les eaux tombant sur ces couches, se filtrent par les issues & par les fréquentes interruptions qu’elles éprouvent sur-tout dans leurs courbures, elles se chargent souvent des molécules de substances ou terrestres ou métalliques qu’elles peuvent dissoudre, & acquierent par cette opération les différentes qualités que nous avons remarquées ci-devant. Les couches de glaise & d’arene qui regnent dans une grande étendue du globe, contiennent les eaux ; la pente des couches leur procure un écoulement ; & suivant la profondeur de ces couches, les eaux séjournent ou près de la surface de la terre ou à de grandes profondeurs. Un lac ne sera précisément que la réunion des eaux qui coulent entre les couches qui viennent se terminer à son bassin, & le former par leur courbure.

Phénomenes qui indiquent un travail postérieur au premier, & qui tendent a changer la face du globe. Les couches du globe même les plus solides, sont interrompues par des fentes de différente largeur, depuis un demi-pouce jusqu’à plusieurs toises ; elles sont perpendiculaires à l’horison dans les matieres calcaires, obliques & irrégulierement posées dans les carrieres de grès & de roc vif : on les trouve assez éloignées les unes des autres, & plus étroites dans les substances molles & dans les lits plus profonds : plus fréquentes & plus larges dans les matieres compactes, comme dans les marbres ou les autres pierres dures & dans les premieres couches ; souvent elles descendent jusqu’à la base depuis le sommet des masses ; d’autres fois elles pénetrent jusqu’aux lits inférieurs. Les unes vont en diminuant de largeur ; d’autres ont une même largeur dans toute leur étendue.

C’est dans ces fentes que se trouvent les métaux, les minéraux, les crystaux, les soufres, les sucs épaissis ; elles sont intérieurement garnies dans les grès & les matieres vitrifiables, de crystaux, de cailloux, & de minéraux de toute espece : dans les carrieres de marbre ou de pierres à chaux, elles sont remplies de spath, de gypse, de gravier, & d’un sable terreux. Dans les argilles, dans les craies, dans les marnes, on trouve ces fentes ou vuides ou remplies de matiere déposée par les eaux de pluie.

On peut ajoûter à ces fentes d’autres dégradations considérables qu’offrent les rochers & les longues chaînes de montagnes : telles sont ces coupures énormes, ces larges ouvertures produites par des éboulemens ou par des affaissemens qui remplissent les plaines de débris énormes de montagnes dont les bases manquent ; & ces débris offrent des grès irrégulierement semés à la surface des terres éboulées, ou bien de longues couches de terre bouleversées sans ordre. C’est de cette sorte que se présentent aux yeux des observateurs les portes qu’on trouve dans les chaînes de montagnes & dans les ouvertures de certains détroits ; comme les Thermopyles, les portes du Caucase, des Cordelieres, le détroit de Gibraltar entre les monts Calpé & Abyla, la porte de l’Hellespont, les détroits de Calais, de Palerme, &c.

Lorsque ces affaissemens n’ont agi que sur les couches intérieures, ou que les eaux seules ayant miné profondément les terres, ont entrainé de l’intérieur des montagnes les sables & les autres matieres de peu de consistence, & n’ont laissé que les voûtes formées