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Cependant en 1358, le roi étant encore prisonnier, les états assemblés à Compiegne accorderent une seconde augmentation sur le prix du sel. Il fut ordonné qu’il seroit établi des greniers dans les bonnes villes & lieux notables, où tout le sel seroit acheté des marchands par le roi à juste prix, & que les grenetiers le revendroient ensuite, pour le compte du roi, un cinquieme de plus. Ce fait est rapporté par Pasquier en ses recherches, liv. II. chap. vij.

En 1359, la gabelle étoit rétablie dans la ville & vicomté de Paris, ainsi qu’il est dit dans des lettres de Charles V. alors régent du royaume, par lesquelles, attendu l’extreme besoin qu’il avoit de finances pour le fait de la guerre, il ordonne que dans les villes d’Orléans, Blois, & autres villes & lieux entre les rivieres de Seine & de Loüé (que l’on croit être le Loüaire dans le Gatinois), & entre les rivieres de Loire & du Chier, on levera la gabelle du sel pendant un an en la maniere qu’elle se levoit alors en la ville & vicomté de Paris ; que pour la garde & défense desdites villes & de tout le pays enclavé entre lesdites rivieres, le duc d’Orléans, lieutenant du roi & du régent èsdites parties, prendroit le quart de cette gabelle, & que le reste seroit apporté ou envoyé à Paris sous bonne & sûre garde & sans délai, pardevant les thrésoriers du roi & du régent : en conséquence il ordonne aux gens des comptes d’établir à cet effet des commissaires généraux ou particuliers, comme ils verront à faire, lesquels feront crier & publier solennellement ladite gabelle dans les lieux accoûtumés, & la leveront ou feront lever pendant un an, du jour de la publication de ces lettres.

Au mois d’Octobre de la même année, il fut fait une ordonnance ou réglement sur le prix du sel, sur les rivieres de Seine, de Marne & d’Yonne. Il est dit qu’à Honfleur la prise du sel pour le marchand est de 14 écus, à Caudebec de 16 écus, & ainsi des autres villes, où l’on remarque que le prix du sel augmente à proportion de ce qu’elles sont éloignées de la mer ; à Paris, par exemple, il étoit de quarante écus, & à Châlons de soixante, à Joigny soixante-quatre ; c’étoit le prix le plus haut. Il s’agissoit du muid de sel, c’étoit sur le pié d’environ neuf deniers la livre ; ce qui coûte aujourd’hui plus de dix sous.

La gabelle fut rétablie en 1360 dans les pays de la Languedoïl, comme on l’apprend d’une ordonnance du 5 Décembre de ladite année. Le droit qui se percevoit sur le sel étoit du cinquieme ; cela ne devoit durer que jusqu’à la paix.

L’instruction faite à ce sujet par le grand-conseil du roi étant à Paris, porte que l’on établira des greniers à sel dans les bonnes villes & lieux notables ; que tout le sel qu’on trouveroit dans ces lieux ès mains des marchands, & que l’on y ameneroit dorénavant, seroit pris en la main du roi & pour lui, à juste prix ; que le grenetier le revendroit un cinquieme de plus. Et dans une instruction particuliere qui est ensuite sur l’aide du sel, il est dit que dans les lieux où il n’y avoit pas de grenier à sel, le roi prendroit le cinquieme du prix de la vente, & que cette aide seroit donnée à ferme par les élus.

Les états de la sénéchaussée de Beaucaire & de Nîmes, avoient accordé au roi un droit de gabelle pour un certain tems, qui étoit prêt de finir au mois d’Avril 1363 : mais le roi Jean, par une ordonnance faite en conséquence de l’assemblée de ces mêmes états, le 20 desdits mois & an, ordonna que la gabelle du sel seroit continuée pendant un certain tems ; que la moitié du produit seroit employée aux dépenses de la guerre, & l’autre moitié à payer les dettes assignées dessus cette gabelle ; que si cette gabelle ne suffisoit pas pour fournir aux dépenses nécessaires, on établiroit d’autres impositions.

Suivant cette même ordonnance, la gabelle du sel

devoit se lever sur toutes les salines, même sur celles qui appartenoient au roi. Le droit de gabelle étoit alors d’un tiers de florin, outre le vrai prix du sel. Toutes les autres impositions devoient cesser, tant que cette nouvelle gabelle auroit lieu. Le sel ne devoit payer la gabelle qu’une seule fois, après quoi il étoit libre de le vendre sans en rien payer. Il étoit défendu à toutes personnes telles qu’elles fussent, de se servir de sel qui n’eût pas payé la gabelle, sous peine d’amende arbitraire. On donnoit à ceux qui payoient la gabelle une quittance, contenant le poids & la quantité du sel, le lieu, l’année, & le jour du payement ; & lorsqu’ils vouloient transporter ce sel d’un lieu à un autre, ils donnoient cet acquit au receveur des impositions ; autrement leur sel étoit confisqué.

Le droit de gabelle se payoit au bureau le plus prochain de la saline où on achetoit le sel, & ce sous peine de confiscation du sel & des animaux & vaisseaux qui servoient à le transporter.

Comme il y a ordinairement près des salines des endroits où l’on pêche & où l’on sale le poisson, l’ordonnance dit qu’on estimera la quantité de sel que l’on peut employer à saler les poissons, & qu’on en payera la gabelle ; qu’on estimera pareillement la quantité de sel que peuvent user ceux qui demeurent auprès des salines, & qu’on leur fera payer la gabelle de cette quantité chaque année en quatre payemens égaux.

L’ordonnance porte qu’il y aura des gardes qui feront des perquisitions pour découvrir les fraudes ; qu’ils auront la moitié du sel qui sera confisqué, & que l’autre moitié accroîtra au produit de la gabelle ; que les autres personnes qui dénonceront des fraudes, n’auront que le tiers des confiscations.

Les animaux employés à porter le sel dans l’étendue de la senéchaussée de Beaucaire & de Nîmes, sont déclarés non-saisissables, même pour les deniers du roi.

Enfin il est dit que la gabelle sera affermée en tout ou en partie, par évêchés & vicairies, en présence du juge du lieu & des consuls, de trois en trois mois, & que les fermiers payeront le prix de leur ferme à la fin de chaque mois.

Charles V. fit le 7 Décembre de la même année 1366, une ordonnance au sujet de la gabelle, dont la levée avoit été ordonnée par-tout le royaume pour la délivrance du roi Jean. Il est dit qu’on établira des greniers à sel dans les lieux convenables, sur les rivieres & dans quelques villes éloignées des rivieres ; que dans chaque grenier il y aura un grenetier & un greffier, qui sera aussi contrôleur ; qu’ils auront chacun un registre, sur lequel ils écriront tout le sel qui se trouvera dans les villes où il y aura des greniers établis chez les marchands, les revendeurs, & les particuliers ; qu’ils le feront mettre dans le grenier, en laissant seulement aux particuliers leur provision pour quatre ans.

Le grenetier & le contrôleur devoient écrire sur leurs registres la quantité de sel qui étoit dans le grenier, le nom de celui à qui il appartenoit, & le jour qu’on l’y avoit apporté.

Le grenier devoit fermer à trois clés, dont le grenetier en avoit une, le contrôleur une autre, & la troisieme étoit pour le propriétaire du sel.

On vendoit le sel à tour de rôle, suivant le jour qu’il avoit été apporté au grenier.

L’ordonnance porte qu’on fixeroit le prix du sel pour le marchand, & qu’outre ce prix il y auroit vingt-quatre livres pour le roi par chaque muid, mesure de Paris.

Il est dit que l’on vendra du sel dans les greniers à grosses mesures, à septiers, minots & demi-minots ; que les regratiers de revendront en détail, &