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rens postes que les troupes doivent occuper ; le jour du fourrage étant venu, si l’armée entiere doit fourrager, comme on le suppose ici, le commandant des fourrages fait partir les escortes à la pointe du jour, ou pendant la nuit, suivant la distance du camp au lieu où le fourrage doit se faire, ou selon qu’on veut cacher ses desseins à l’ennemi.

Les escortes partent toûjours quelque tems avant les fourrageurs, afin qu’elles puissent former la chaîne ou l’enceinte du fourrage avant leur arrivée, & s’assûrer des postes qu’elles doivent garder.

Les escortes partent ordinairement du camp sur deux colonnes, dont l’une sort par la droite & l’autre par la gauche. L’officier qui les commande, qui communément est un maréchal de camp, se met à la tête de celle de ces colonnes qu’il juge à-propos ; & le principal officier après lui, se charge de la conduite de l’autre. Elles marchent chacune de leur côté vers le lieu du fourrage : lorsqu’elles y sont arrivées, elles se réunissent vers le lieu le plus avancé du fourrage, en formant chacune la moitié de la chaîne qui doit le renfermer ; ce qui se fait de cette maniere.

A mesure que le commandant de chaque colonne passe à portée de l’endroit où il doit poster une troupe, il en donne l’ordre à l’officier qui la commande, ou à un autre qu’il choisit pour cet effet, lequel la fait rester dans cet endroit, & prendre la position qu’elle doit avoir.

On observe de prendre à la queue de chaque colonne les troupes qui doivent occuper les premiers postes, afin que les têtes des colonnes ne souffrent point de retardement dans leur marche, & qu’elles se réunissent ensemble pour fermer le milieu de l’enceinte ou de la chaîne du fourrage.

Comme les têtes des deux colonnes précédentes occupent la partie de l’enceinte la plus avancée du côté de l’ennemi, & par conséquent la plus exposée, le commandant du fourrage, outre les troupes qui forment la chaîne, en tient encore ordinairement en cet endroit d’autres particulieres pour le fortifier davantage, pour servir de reserves en cas qu’il soit nécessaire de porter du secours dans quelqu’autre partie de l’enceinte.

L’officier qui commande le fourrage doit prendre son poste vers le point de réunion des têtes des colonnes : c’est-là qu’on doit le trouver pour l’informer de tout ce qui peut arriver dans l’opération du fourrage, & pour prendre ses ordres. S’il veut néanmoins le promener dans l’enceinte du fourrage, pour examiner si les gardes sont bien postées & en bon état, il doit laisser des officiers à son poste, chargés de lui amener tous ceux qui auroient à lui parler, & à lui donner des avis sur les démarches de l’ennemi. Pour en être informé plus exactement, il est à-propos qu’il ait de petits partis de troupes legeres qui rodent continuellement entre le camp de l’ennemi & le lieu du fourrage.

L’heure prescrite par le général pour le départ des fourrageurs étant arrivée, on les fait sortir en ordre du camp, distingues par régimens & brigades.

A la tête de chaque régiment de cavalerie & de dragons, il y a un officier accompagné de quelques cavaliers armes, qui forment ce que l’on appelle petite escorte ; les colonels & les brigadiers qui vont au fourrage, se mettent à la tête de ces petits corps. Les domestiques des officiers de cavalerie & de dragons marchent immédiatement après les cavaliers ou les dragons de leur régiment ou de leur escadron. A l’égard des domestiques des officiers de l’infanterie, ils s’assemblent également par régiment, & ils ont de même des officiers de leur corps à leur tête, pour les commander.

Les fourrageurs du quartier général se réunissent

aussi en corps pour aller au fourrage ; ils y sont conduits par des officiers particuliers chargés de veiller sur eux. Il en est de même des fourrageurs de l’artillerie & des vivres.

Tous ces différens corps de fourrageurs marchent en ordre sur le nombre de colonnes reglées par le commandant du fourrage. Lorsqu’ils sont arrivés sur le terrein qu’on doit fourrager, on leur permet, si la chaîne est formée, de se séparer, & d’entrer dans les fourrages qu’ils doivent couper ; ce qu’ils exécutent aussi-tôt au grand galop.

Ils se répandent dans la plaine, à peu-près de la même maniere qu’un torrent qui auroit rompu ses digues ; & à mesure qu’ils arrivent dans les endroits ou ils croyent devoir s’arrêter, ils se jettent à terre promptement, & ils désignent le terrein qu’ils veulent fourrager, en coupant avec la faux le dessus de l’herbe ou des grains de l’enceinte de ce terrein.

Tout endroit ainsi marque appartient à celui ou à ceux qui en ont pris possession de cette maniere. Les autres fourrageurs vont plus loin s’approprier également le terrein dont ils ont besoin, ou dont ils jugent avoir besoin. Comme chacun d’eux détermine ainsi à sa volonté l’espace qu’il veut fourrager, il arrive presque toûjours que cet espace est plus grand qu’il ne faut ; ce qui oblige d’augmenter, & par conséquent d’affoiblir la chaîne du fourrage ; que d’ailleurs tout n’est pas coupé exactement ou avec soin, & qu’il y en a beaucoup de foulé aux piés des chevaux, & de gâté inutilement.

Pendant l’exécution du fourrage, les petites escortes se promenent dans l’enceinte, pour observer les fourrageurs de leurs régimens, & empêcher le desordre & les disputes qui pourroient s’élever entre eux.

Après que les commandans des petites escortes ont reconnu toute la disposition intérieure du fourrage, ils placent ces escortes dans les lieux les plus propres à découvrir tout ce qui se passe dans son étendue, afin de pouvoir se transporter promptement par-tout où on peut en avoir besoin, & d’agir même contre les ennemis, s’il y en a qui veulent inquiéter les fourrageurs.

Si-tôt que les fourrageurs ont marqué l’enceinte du terrein qu’ils veulent fourrager, ils le fauchent le plus promptement qu’il leur est possible.

Pendant cette opération, leurs chevaux qui y sont renfermés, repaissent & se reposent : lorsqu’elle est finie, ils font leurs trousses, ils les chargent sur les chevaux, & ils montent dessus pour regagner tranquillement le camp de l’armée.

On a observé que le tems de l’exécution du fourrage, depuis l’arrivée des fourrageurs dans le lieu ou il doit se faire jusqu’à ce qu’ils soient prêts à partir pour retourner au camp, n’est que d’environ deux heures, pourvû toutefois qu’on ait soin d’empêcher les fourrageurs de courir aux légumes, & de s’amuser autour des villages pour chercher à piller.

Les petites escortes de chaque régiment se mettent en mouvement dès que leurs fourrageurs commencent à défiler : quand ils sont entierement sortis du lieu qu’on a fourragé, elles les suivent pour y entretenir le bon ordre, & les empêcher de s’amuser en chemin.

Les fourrageurs étant tous retirés, le commandant du fourrage donne les ordres nécessaires pour réunir les troupes qui en ont formé la chaîne : il fait ensuite la retraite avec ces troupes, observant de ne laisser aucuns fourrageurs ou traîneurs en-arriere.

Dans les fourrages au sec, on va chercher dans les villages les provisions que l’on ne trouve plus sur la terre ou dans la plaine. Souvent chaque brigade a ordre d’aller fourrager à un village déterminé ; alors