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par la compression ou dilatation de l’air. Les parties de mines qui ont résisté à cette dissolution appellée macération, sont d’un bon service. Par-tout où il y a des mines en poussiere, ou des pierres exposées à l’air, remplies de parties de mines, le tems peut renouveller une miniere utile.

On trouve des parties de mine répandues partout, même jusqu’au sommet des plus hautes montagnes, toûjours du côté du midi, aux environs des minieres & des fourneaux, quoique la fouille dans l’intérieur n’en donne point. C’est un phénomene qui demande des éclaircissemens, & qui a souvent occasionné bien de la dépense & du travail, à des gens qui n’ont jamais voulu comprendre que l’air seul peut en porter beaucoup en petites parties, & que ces petites parties peuvent être rassemblées par des agens naturels en une ou plusieurs fort grosses.

Ces parties de mine que j’appelle accidentelles peuvent se connoître de plusieurs façons. La premiere, c’est de se rencontrer dans des lieux élevés & disposés à ne pouvoir être regardés comme l’écoulement d’une miniere. La seconde, c’est que les morceaux en paroissent purs ou mélangés : purs, la couleur en est d’un rouge foncé ou noirâtre ; la figure extrèmement rameuse, plate ou anguleuse, ce qui fait voir qu’ils n’ont pas fait beaucoup de chemin ; la masse très-souvent creuse, ou avec quelques marques d’ébullition, parce que n’ayant pû se rassembler que par le mouvement & dépôt de l’air, & la jonction de l’eau, il y a dilatation, boursoufflement, quand la contexture est solide ; ou crevasse, quand la liaison n’est pas assez nerveuse : mélangés, les corps qui feront l’alliage seront semblables à ceux du terrein où on les trouvera.

Ces parties de mine accidentelles peuvent encore venir des orages qui laissent le terrein à découvert, & de la sublimation que la chaleur peut faire ; ce qui fortifie cette conjecture, c’est que nous voyons des sommets de montagnes sur lesquels on ne trouve des parties de mine rassemblées, que du côté le plus exposé au soleil, & des campagnes entieres qui en sont couvertes.

La connoissance des mines de fer qui sont à la surface de la terre, ou qui en sont proches, est chose aisée à des yeux exercés & clairvoyans. Quant à celles qui s’éloignent de la surface de la terre, il faut user de grandes précautions pour ne pas courir les risques d’une infructueuse dépense. Mais on sera éclairé par la force de l’eau qui entraîne, un tremblement de terre qui détache, un feu soûterrein qui se fait jour, l’examen des autres matieres concomitantes, & la ressemblance des terreins qui fournissent des minieres connues. L’eau, l’air & le feu sont les agens qui donneront des idées sur l’intérieur de la terre. L’eau entre autre peut nous découvrir des mines de plusieurs façons ; par une éruption violente qui entraîne des parties de montagnes, des rochers ; qui creuse des profondeurs, des abysmes ; qui dans la force de son courant, mêle & confond tout ce qu’elle charrie ; qui en se ralentissant dépose suivant certaines lois ; qui coulant sous la terre, quoique quelquefois assez tranquillement, mais pendant des siecles, ronge & entraîne des parties de mine qu’elle met à découvert ; ou qui après s’être excavé un bassin plus grand, fait perdre l’équilibre à la voûte, & occasionne un effondrement. L’air extérieur en déposant, le feu en soûlevant, donnent aussi lieu à la découverte de matieres nouvelles.

Si l’on rencontre quelques parties de mine, la premiere attention est de bien examiner si ce ne sont point des mines accidentelles ; ensuite voir si par la forme du terrein elles peuvent être venues de loin ; leur figure, la matiere qui les accompagne, doivent vous décider. Si vous prévoyez qu’elles ne

soient pas venues de loin, faites une ouverture proche le premier enfoncement, & du côté du nord ; pour en regler la profondeur, voyez si la couche des pierres & des autres matieres indique quelque dérangement ; poussez tant que vous aurez lieu d’en soupçonner un, puisque nous disons que ces parties de mine doivent venir d’une éruption ou d’une excavation, quoique tout paroisse presque rempli : mais quand vous trouverez les choses gissantes dans un état naturel, sans rencontrer ni l’espece de glaise qui accompagne ordinairement la mine, ni aucunes parties de mine mêlées avec les pierres ou autres matieres, abandonnez le travail, du moins dans nos contrées.

Pour trouver la miniere dont l’eau aura entraîné des parties, représentez-vous par l’inspection du terrein, le cours que l’eau a dû faire naturellement : dans un coude vous en trouverez de l’entassée, mais selon la position conforme à l’angle qu’a décrit l’eau ; concluez des couches de différentes matieres, que ce n’est qu’une alluvion ; suivez, & de tems en tems vous rencontrerez de petits puits remplis de mines mêlées avec d’autre matiere ; plus loin des amas plus gros ; & à la fin, & sur-tout par l’inspection des lieux, vous déterminerez de quel côté vient l’écoulement, ou lequel a essuyé l’écoulement. Arrivé à ce point, ne vous flatez encore de rien : l’eau a peut-être entraîné toute la veine de mine, ou la partie qui reste se trouvera défendue par des rochers, ou engloutie dans les eaux. Ces observations au moins vous mettront à l’abri d’un travail inutile ou mal entendu.

Dans le cas où vous aurez lieu d’espérer que vous êtes arrivé à la miniere, & qu’elle peut être ouverte sans trop grands frais, employez d’abord la sonde ; si elle ne suffit ou ne convient pas, il ne faut pas hésiter de travailler plus haut, en tirant au nord, que le dérangement que vous entrevoyez : ne faites d’abord qu’un trou cylindrique ; un tour enleve les déblais : examinez si vous êtes bien au-dessus des eaux ; avec deux bons ouvriers, en peu de tems & sans grande dépense, vous devez trouver la mine. Enlevez le matin les eaux que la suinte de la terre aura rassemblées pendant la nuit. Si l’excavation vous occasionne une plus grande abondance d’eaux, vous trouverez à la traite des mines, la façon de vous en débarrasser.

La recherche que nos besoins nous font faire de toutes especes de matieres, a quelquefois fait découvrir des mines de fer ; mais on en a plus communément l’obligation à la ressemblance d’un terrein qu’on voit, qu’à celui où il y a déjà des minieres ouvertes : mais pour cela il faut des yeux accoûtumés & intelligens.

De-là on peut conclure que l’incertitude & la dépense de pareilles recherches, doivent engager un maître qui veut prendre une forge, à bien savoir où il trouvera des mines. Je conseillerai toûjours les tentatives faites avec réflexion ; mais elles ne doivent aller qu’au mieux de la chose. Réussissez-vous, vous êtes récompensé ; ne réussissez-vous pas, vous avez recours aux minieres, sur lesquelles vous deviez compter.

Comme il seroit avantageux pour la société, que les traces de mines fussent suivies quand on les découvre, & que l’on prît des précautions pour qu’on pût toûjours les retrouver, le plus expédient seroit que les maîtres de forges fissent toutes les tentatives convenables selon une grande probabilité, & que sur leurs mémoires les seigneurs fissent les tentatives coûteuses : mais où trouver un maître de forge qui pense au bien public, & un seigneur qui tente un bien à venir ?

Nous devons toûjours être étonnés de voir en