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portionnée à la sensibilité de l’animal auquel l’étrille est destinée. Elles doivent, en passant au-travers du poil, atteindre à la peau, mais non la déchirer. La lime à tiers-point, dont on se sert pour les former, doit aussi être tenue par l’ouvrier très-couchée sur le plat des lames, afin que leurs côtés & leurs fonds dans l’intervalle qui les sépare, présentent un tranchant tel que celui du couteau de chaleur ; c’est-à-dire un tranchant fin & droit, sans être affilé ou en état de couper, & elles seront espacées de pointe à pointe d’une ligne tout au plus.

Toute paille, cerbe, fausse ou mauvaise rivure, faux-joint ou dent fendue, capable d’accrocher les crins du cheval, ou le poil, sont des défectuosités nuisibles, & qui tendent à donner atteinte au plus bel ornement de cet animal.

Entre les especes d’étrilles les plus usitées, il en est dans lesquelles on compte sept rangs, le couteau de chaleur en occupant le milieu : les rebords en sont ronds, le dos du coffre voûté, & les rangs élevés sur leurs empattemens, jusqu’à laisser six ou sept lignes d’espace entr’eux & le fond du coffre. Leurs marteaux n’ont pas deux lignes de grosseur & de saillie, & ils sont placés entre le deuxieme & troisieme rang. La patte du manche est enfin refendue en trois lames, dont les deux latérales ne peuvent être considérées que comme une sorte d’enjolivement.

Il est évident, 1°. que ce septieme rang n’est bon qu’à augmenter inutilement le poids & le volume de cet instrument. 2°. L’espace entre le fond & les rangs est non-seulement excessif, puisque quand il seroit d’une seule ligne, cette ligne suffiroit pour empêcher l’adhésion de la crasse, & pour en faciliter l’expulsion ; mais il est encore réellement préjudiciable, parce que les rangs peuvent être d’autant plus facilement couchés & détruits, que les tiges de leurs empattemens sont plus longues. 3°. Les marteaux étant aussi minces & aussi courts, ne méritent pas même ce nom ; situés entre le second & le troisieme rang, ils ne sauroient & par leur position & par leur saillie garantir les rebords & les carnes. 4°. Ces rebords ronds n’ont nul avantage sur les rebords plats, & n’exigent que plus de tems de la part de l’ouvrier. Enfin la patte ne contribuant pas à fortifier le coffre, ne remplit qu’une partie de sa destination.

Il est encore d’autres étrilles dans lesquelles les rangs sont seulement dentés jusqu’à la moitié de leur longueur, tandis que de l’autre moitié ils représentent un couteau de chaleur opposé dans chaque rang, & répondent à la moitié dentée de l’autre. Communément l’ouvrier forme les rangs droits sur leurs bords supérieurs & inférieurs. Ces rangs formés droits, il en taille en dents la moitié ; mais soit par ignorance, soit par paresse ou par intérêt, il s’épargne le tems & la peine de ravaler le tranchant du reste, & dès-lors l’appui du couteau sur le poil s’oppose à ce que les dents parviennent à la peau. Je conviens qu’un ouvrier plus intelligent ou de meilleure soi, peut, en ravalant les tranchans, obvier à cette défectuosité. Cette pratique néanmoins ne m’offre aucune raison de préférence sur la méthode que je conseille, car elle sera toûjours plus compliquée ; & d’ailleurs l’expérience démontre qu’un couteau de chaleur occupant toute la longueur de l’étrille, n’est pas moins efficace que les six moitiés qui entrent dans cette derniere construction.

Au surplus, & à l’égard des ouvriers qui blanchissent à la lime le dos du coffre, nous dirons que ce soin est assez déplacé relativement à un semblable instrument ; & nous ajoûterons encore qu’il peut apporter un obstacle à sa durée, l’impression de la forge, dont ils dépouillent le fer en le limant, étant un

vernis utile qui l’auroit long-tems défendu des atteintes de la rouille. (e)

ETRILLER un cheval, (Man.) Voyez Etrille, Panser.

ETRIPER, (Manége.) mot bas, terme proscrit, & qui ne devroit pas trouver une place dans cet ouvrage : c’est par cette raison que je renvoie le lecteur qui en desirera une explication, au dictionnaire de Trévoux. (e)

Etriper, (Corderie.) se dit d’un cordage dont les filamens s’échappent de tous côtés.

ETRIVIERE, s. f. (Manége.) courroie de cuir par laquelle les étriers sont suspendus. Telle est la définition que nous trouvons dans le dictionnaire de Trévoux.

On pourroit accuser les auteurs de ce vocabulaire d’avoir ici mis très-mal-à-propos en usage une figure qu’ils connoissent sous le nom de pléonasme ; car si le terme de courroie présente toûjours l’idée d’un cuir coupé en bandes, il s’ensuit que cette maniere de s’exprimer, courroie de cuir, est évidemment redondante. Il est vrai que deux lignes plus bas on lit dans le même article cette observation très-importante, & très-digne d’être transmise à la postérité par la voie de leur ouvrage : A la poste aux ânes de Montreau, il n’y a que des étrivieres de corde. Mais cette distinction d’étriviere de corde & d’étriviere de cuir, suggérée par des notions acquises dans cette même poste, ne doit point autoriser celle de courroie de cuir & de courroie de corde ; ainsi la redondance n’en est pas moins certaine.

Quoi qu’il en soit, les courroies que nous employons communément à l’effet de suspendre & de fixer les étriers à une hauteur convenable, & qui varie selon la taille du cavalier, sont de la longueur d’environ quatre piés & demi, & leur largeur est d’environ un pouce.

Plusieurs personnes donnent au cuir d’Angleterre la préférence, & prétendent que les étrivieres faites de ce cuir résistent beaucoup plus, & sont moins sujettes à s’allonger. Je conviendrai de ce premier fait d’autant moins aisément, qu’il est démenti par l’expérience. Le cuir d’Angleterre n’est jamais à cet égard d’un aussi bon usage que le cuir d’Hongrie rasé, passé en alun, au sel & au suif ; & si quelques-unes des lanieres que l’on en tire, paroissent susceptibles d’allongement, ce n’est qu’aux Selliers que nous devons nous en prendre. La plûpart d’entr’eux se contentent en effet de couper une seule longueur de cuir dont ils forment une paire d’étrivieres. Celui qui a été enlevé du côté de la croupe, a une force plus considérable que celui qui a été pris du côté de la tête ; & de-là l’inégalité constante des étrivieres. Chacune d’elles doit donc être faite d’une seule laniere coupée dans le cuir du dos & de la croupe à côté l’une de l’autre, pour être placée ensuite dans le même sens ; & comme l’étriviere du montoir, chargée du poids entier du cavalier, soit qu’il monte à cheval, soit qu’il en descende, ne peut conséquemment à ce fardeau que subir une plus grande extension, il est bon de la porter de tems en tems au hors-montoir, & de lui substituer celle-ci : par ce moyen elles parviennent toutes les deux au période dernier & possible de leur allongement, & elles maintiennent dès-lors les étriers à une égale hauteur.

Du reste cette précaution n’est nécessaire qu’autant que nous persévererons dans l’idée que l’on doit toûjours & absolument monter à cheval & en descendre du côté gauche ; car si, la raison l’emportant sur le préjugé, on prenoit le parti d’y monter & d’en descendre indifféremment à gauche & à droite, elle deviendroit inutile, & l’attention de varier cette action de maniere à charger les étrivieres également & aussi souvent l’une que l’autre, suffiroit incontesta-