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de la mer, lorsqu’elles sont agitées ou poussées par le vent.

Etre à flot, c’est avoir de l’eau suffisamment sous le navire, pour qu’il se soûtienne sans toucher.

N’être pas à flot, c’est toucher sur le fond.

Mettre à flot, c’est relever un bâtiment lorsqu’il a touché ; ce qui arrive lorsqu’il est échoüé à mer basse, & qu’elle vient à monter, & l’eau augmenter assez pour le faire flotter. (Z)

Flot, s. m. (Hydrogr. & Marine.) c’est ainsi que les Marins appellent le flux dans les marées, c’est-à-dire l’élevation des eaux de la mer ; & ils appellent jusant, l’abaissement ou reflux de ces eaux. Voyez Flux & Reflux, Marée.

Flot, terme de Riviere, se dit en matiere de bois flotté.

Il y a 2000 cordes de bois à flot.

Le flot commencera le mois prochain, pour dire que l’on jettera le bois à flot.

Le flot est fini il y a huit jours.

Flot, (Sellier.) houppes ou flocons de laine dont on orne la têtiere des mulets.

FLOTTAISON, (Marine.) s. f. c’est la partie du vaisseau qui est à fleur d’eau.

FLOTTANT, adj. terme de Blason, qui se dit des vaisseaux & des poissons sur les eaux.

La ville de Paris, de gueules au navire équipé d’argent, flottant & voguant sur des ondes de même, au chef de France.

FLOTTEMENT, s. m. dans l’Art militaire, est un mouvement irrégulier ou d’ondulation, que font assez souvent les différentes parties du front d’une troupe en marchant, qui les dérange de la ligne droite qu’elles doivent former pour arriver ensemble & dans le même tems à l’ennemi.

Il est très-important de rectifier ce défaut dans la marche des troupes, parce que plus elles se prêtent à ce mouvement irrégulier, & plus il est aisé de les défaire ; car alors toutes leurs parties ne se soûtiennent pas également, & d’ailleurs elles peuvent se rompre elles-mêmes en marchant.

Pour y remédier, il faut accoûtumer dans les exercices, les troupes à marcher ensemble & d’un pas égal, de la même maniere que si tous les soldats qui composent le bataillon, faisoient un corps solide, sans desunion de parties.

Plus le front d’une troupe est grand, & plus elle est exposée au flottement ; c’est ce qui a fait dire à plusieurs habiles militaires, & entr’autres à M. le chevalier de Folard, qu’il faudroit diminuer le front de nos bataillons & augmenter leur épaisseur, c’est-à-dire les mettre à six ou huit de hauteur, comme ils l’étoient du tems du prince de Condé & de M. de Turenne. Voyez Evolution.

L’auteur auquel on attribue le mémoire concernant l’essai sur la légion (M. de Rostaing), prétend que cinquante files de front sont la plus grande étendue qu’on puisse donner aux divisions des troupes, pour les faire marcher régulierement.

Si le flottement dans une troupe qui marche en-avant pour en combattre une autre, est très-préjudiciable à sa force & à sa solidité, il n’est pas moins dangereux à l’égard des différens corps d’une armée qui marche pour en combattre une autre : car si les corps n’arrivent pas également & dans le même tems sur l’ennemi, les plus avancés perdront la protection de ceux qui couvroient leurs flancs, & par-là ils s’exposeront à être aisément battus & mis en desordre ; ce qui ne peut produire qu’un très-mauvais effet sur ceux qui les suivent, & sur le reste de l’armée. Aussi M. le maréchal de Puysegur dit-il que lorsque deux armées s’approchent pour combattre, il est aisé de juger, suivant l’ordre & l’exactitude avec laquelle l’une ou l’autre marche, quelle est celle

qui battra l’autre ; ce sera celle dont le mouvement sera le plus régulier, & dont toutes les parties regleront le mieux leur marche les unes sur les autres pour arriver ensemble sur l’ennemi. (Q)

FLOTTE, s. f. (Marine.) c’est un corps de plusieurs vaisseaux qui naviguent ensemble.

Les Espagnols donnent le nom de flotte, flotta ou flottilla, aux vaisseaux qui vont tous les ans à la Vera-Crux, qui est un port au fond du golfe du Mexique ; & ils appellent galions, la flotte des vaisseaux, grands ou petits, qui vont à Carthagene & à Porto-Bello. (Q)

Flottes de la Chine, (Marine.) On donne ce nom à un assemblage de plusieurs bâtimens chinois qui s’assemblent & naviguent ensemble, & forment comme des villages sur les lacs & les rivieres : ils traversent le pays de cette façon, & font un grand commerce.

Le fond de la liaison de tous ces vaisseaux est de jonc ou de bambouc, entrelacés de liens de bois qui sont entretenus par de grosses poutres sur lesquelles porte tout l’ouvrage.

Pour faire avancer ces villages, on les pousse à l’avant & à l’arriere avec de grandes perches ; & il y a une grosse piece de bois debout à l’arriere, pour servir à amarrer la flotte à gué avec un cordage, lorsqu’il en est besoin.

Outre ces grandes flottes, qui sont comme des villages, & où les maîtres & propriétaires des bâtimens passent leur vie avec toute leur famille, il y a encore à la Chine de simples bateaux ou petits vaisseaux qui servent de demeure à une famille. Ils n’ont ni rames ni voiles, & on ne les fait avancer qu’avec le croc. Les marques des marchandises qui sont à vendre dans ces bateaux, sont suspendues à une perche qu’on tient élevée, afin qu’on les puisse voir aisément. (Z)

Flotte invincible, (Hist. mod.) C’est le nom que Philippe II. donna à la flotte qu’il avoit préparée pendant trois ans en Portugal, à Naples & en Sicile, pour déthroner la reine Elisabeth.

Les Espagnols en publierent une relation emphatique, non-seulement dans leur langue, mais en latin, en françois, & en hollandois. M. de Thou, qui avoit été bien intormé de l’équipement de cette flotte par l’ambassadeur de S. M. C. à la cour de France, rapporte qu’elle contenoit huit mille hommes d’équipage, vingt mille hommes de débarquement, sans compter la noblesse & les volontaires ; & qu’en fait de munitions de guerre, il y avoit sur cette flotte 12 mille boulets, 5 mille 600 quintaux de poudre, 10 mille quintaux de balles, 7 mille arquebuses, 10 mille haches, un nombre immense d’instrumens propres à remuer ou à transporter la terre, des chevaux & des mulets en quantité, enfin des vivres & des provisions en abondance pour plus de six mois.

Tout cela s’accorde assez bien avec la relation abregée de l’équipement de cette flotte, que Strype a tirée des notes du grand thrésorier d’Angleterre, mylord Burleigh, & qu’il a insérée dans l’appendice des mémoires originaux, n°. 51.

L’extrait de Strype se réduit à ceci, que la flotte invincible composoit 130 vaisseaux de 57868 tonneaux, 19295 soldats, 8450 matelots, 2088 esclaves, & 2630 grandes pieces d’artillerie de bronze de toute espece, sans compter 20 caravelles pour le service de l’armée navale, & 10 vaisseaux d’avis à 6 rames. Cette flotte, avant que de sortir du port de Lisbonne, coûtoit déjà au roi d’Espagne plus de 36 millions de France, évaluation de ce tems-là ; je ne dis pas évaluation de nos jours.

Le duc de Médina-Celi fit voile de l’embouchure du Tage avec cette belle flotte en 1588, & prit sa route vers le Nord. Elle essuya une premiere tem-