Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 6.djvu/832

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

surface interne du canal ; enfin lorsqu’il n’en sort plus de matieres purulentes, on cesse l’usage des bougies ou du stilet de plomb : les larmes reprennent leur cours naturel de l’œil dans le nez, & la plaie extérieure se réunit en peu de jours. Quelques chirurgiens mettent une cannule d’or fort déliée dans le canal, ce qui n’empêche point la cicatrice de la plaie extérieure. La précaution recommandée par quelques auteurs, de faire journellement des injections par les points lacrymaux pendant l’usage de la bougie, est tout-à-fait inutile. On les a proposées dans la crainte que les conduits, dont les points lacrymaux sont les orifices, ne viennent à s’oblitérer ; ce qui occasionneroit, dit-on, un larmoyement malgré la liberté du conduit nasal. Cette crainte est détruite par l’observation de ces maladies. L’obstruction simple du conduit n’empêche jamais les larmes de pénétrer dans le sac lacrymal, puisqu’après l’avoir vuidé par la compression du doigt, il se remplit de nouveau. Les larmes ne coulent jamais involontairement sur les joues que par regorgement, lorsque la plénitude du sac ne lui permet pas de recevoir le fluide : les larmes passent naturellement dans le sac pendant la cure ; & les injections recommandées, souvent fatiguantes pour le malade sans aucune utilité. La recherche de M. Petit est décrite dans les mémoires de l’académie royale des Sciences, année 1734. L’appareil de cette opération consiste dans l’application de deux compresses soûtenues par le bandage dit morocule, voyez ce mot.

On a mis en usage depuis quelques années une méthode de traiter les maladies des voies lacrymales, on sondant le conduit des larmes par le nez, & en y plaçant à demeure un syphon, par lequel on fait les injections convenables. M. de la Forest, maître en Chirurgie à Paris, a donné sur cette opération, qu’il pratique avec succès, un mémoire inséré dans le second volume de l’académie royale de Chirurgie. M. Bianchi avoit sondé le conduit nasal dès l’année 1716. Il a donné à ce sujet une lettre qu’on lit dans le théatre anatomique de Manger. M. Bianchi a de plus reconnu la possibilité de faire des injections par le nez dans ce conduit ; & M. Morgagni qui reprend cet auteur de l’opinion qu’il avoit sur la structure & sur les maladies des voies lacrymales, traite cette question dans la soixante-sixieme remarque de sa sixieme critique, & qu’il intitule ainsi… De injectionibus per finem ductûs lacrymalis.

M. Bianchi soûtient qu’on sonde très-facilement le conduit nasal, parce que l’orifice inférieur de ce conduit a la forme d’un entonnoir. M. Morgagni prétend au contraire, que l’orifice du conduit nasal n’a pas plus de diametre que les points lacrymaux ; de là il conclut, que loin qu’on puisse rencontrer aisément l’orifice du conduit nasal avec une sonde introduite dans la narine, on le trouve avec assez de peine dans une administration anatomique, lorsqu’après les coupes nécessaires, le lieu de son insertion est à découvert. J’ai trouvé le plus souvent les choses comme M. Morgagni assûre les avoir vûes ; & j’ai observé quelquefois l’orifice inférieur du conduit nasal évasé en forme d’entonnoir, comme M. Bianchi dit l’avoir trouvé. J’ai expérimenté sur un grand nombre de cadavres l’usage de la sonde : il y en a sur lesquels je la portois avec la plus grande facilité dans le conduit nasal, & d’autres fois je n’y pouvois réussir. Or, comme rien n’indique les variations, qui font qu’on peut ou qu’on ne peut pas réussir à l’introduction de cette sonde, il s’ensuit que les tentatives sur le vivant peuvent être inutiles, qu’elles exposent les malades à des tatonnemens incommodes & douloureux ; & faute de précautions & de ménagemens, on pourroit fracturer les lames spongieuses inférieures, ce qui seroit suivi d’acci-

dens. La méthode de M. Petit me paroît plus simple

& moins douloureuse dans les fistules ; mais dans la simple obstruction du canal nasal, si l’on peut introduire la sonde dans ce conduit sans faire de violence, la méthode de M. la Forest guérit sans incision, & c’est un avantage ; voyez les différens mémoires sur la fistule lacrymale dans le second volume de l’académie royale de Chirurgie.

La fistule salivaire est un écoulement de salive à l’occasion d’une plaie ou d’un ulcere aux glandes qui servent à la secrétion de cette humeur, ou aux canaux excréteurs par lesquels elle passe. On fit dans les Mémoires de l’académie royale des Sciences, année 1719, qu’un soldat a qui un coup de sabre sur la joue avoit divisé le conduit salivaire de Stenon, resta avec une petite fistule, par laquelle chaque fois qu’il mangeoit, il sortoit une abondance prodigieuse de salive, jusqu’à moüiller plusieurs serviettes pendant les repas, qui n’étoient pas fort longs. On observe le même symptome dans la fistule de la glande parotide. Cette remarque est de grande conséquence dans la pratique ; car les moyens qui suffisent pour guérir cette seconde espece de fistule salivaire seroient absolument sans effet pour la guérison de celle qui attaque le canal de Stenon. Ambroise Paré, célebre chirurgien, rapporte l’histoire du soldat blessé d’un coup d’épée au-travers de la mâchoire supérieure, ce sont les termes de l’auteur. Quelques précautions qu’on eût prises pour la réunion de cette plaie, il resta un petit trou dans lequel on auroit à peine pû mettre la tête d’une épingle, & dont il sortoit une grande quantité d’eau fort claire, lorsque le malade parloit ou mangeoit : Paré est parvenu à guérir radicalement cette fistule, après l’avoir cauterisée jusque dans son fond avec de l’eau forte, & y avoir appliqué quelquefois de la poudre de vitriol brûlé. La situation de la fistule, & le succès de ce traitement, qui auroit été insuffisant, & même préjudiciable dans la perforation du canal salivaire, montre que l’écoulement de la salive venoit dans ce cas de la glande parotide. Fabrice d’Aquapendente fait mention de l’écoulement de la salive à la suite des plaies des joues. Je ne sai, dit-il, d’où ni comment sort cette humeur ; mais pour tarir une humidité si copieuse, il a appliqué des compresses trempées dans les eaux thermales d’Appone, & des cérats puissamment dessicatifs. Ces moyens n’auroient été d’aucune utilité pour l’ulcere fistuleux du canal de Stenon. L’expérience & la raison nous permettent de croire que Munniches n’a jugé que par les apparences trompeuses de l’écoulement de la salive sur la joue, lorsqu’il assûre avoir guéri radicalement & en peu de jours, la fistule de ce conduit, après en avoir détruit la callosité avec un caustique. Comment en effet l’application d’un tel remede, qui aggrandissoit l’ulcere du canal excréteur, pourroit-elle empêcher le passage de l’humeur, dont l’écoulement continuel est une cause permanente & nécessaire de fistule ? il est certain que dans les cas dont je viens de donner le précis, c’étoit la glande parotide qui fournissoit la matiere séreuse qui entretenoit la fistule. M. Ledran ayant ouvert un abcès dans le corps de la glande parotide, ne put parvenir à terminer la cure ; il restoit un petit trou qui laissoit sortir une grande quantité de salive, sur-tout lorsque le malade mangeoit. M. Ledran appliqua sur l’orifice de cette fistule un petit tampon de charpie trempé dans de l’eau-de-vie ; il le soutint par quatre compresses graduées, voyez Compresses, & les maintint par un bandage assez ferme. En levant cet appareil au bout de cinq jours, pendant lesquels le malade ne vécut que de bouillon, le trou fistuleux se trouva cicatrisé. La compression exacte avoit effacé le point glanduleux dont l’ulcération fournissoit cette grande