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tima serap. G. Camelli, Mananaag, Indor. Cathologan, & Pepita de Bisayas, Hispanor.

Cette feve est un noyau arrondi, inégal, en quelque maniere noüeux, très-dur, à demi-transparent, & d’une substance comme de corne, très-difficile à rompre, facile à raper, semblable à la noix vomique, de la grosseur d’une aveline, du goût d’un pepin de citron, mais beaucoup plus amer ; d’une couleur grise, verdâtre, ou rougeâtre en-dehors, & blanchâtre en-dedans. Voyez Hill’s, hist. mat. med. pag. 509.

Les PP. Jésuites portugais-missionnaires nous ont apporté vers le commencement de ce siecle, des îles Philippines, cette espece de noyau qui étoit inconnu jusqu’alors en Europe.

La plante qui le produit s’appelle catalongay, & cantara, G. Camelli, act. philos. Lond. 2°. 250. Cacurbitifera Malabathri foliis scandens ; catalongay & cantara Philippinis orientalibus dicta, cujus nuclei Pepitas de Bisayas, aut catalogan, & fabæ sancti Ignatii ab Hispanis, Igasur, & Mananaag insulanis nuncupati, Pluck. Mant.

Cette plante qui vient dans l’île de Luzone & dans les autres Philippines, est de la classe des grimpantes, & monte même en serpentant jusqu’au haut des plus grands arbres. Son tronc est ligneux, lisse, poreux, quelquefois de la grosseur du bras, couvert d’une écorce raboteuse, épaisse, & cendrée. Ses feuilles sont grandes, garnies de nervures, ameres, presque semblables à celles du malabathrum, mais plus larges. Sa fleur ressemble à celle du grenadier.

Il lui succede un fruit plus gros qu’un melon, couvert d’une peau fort mince, luisante, lisse, & d’un verd sale, ou de couleur d’albâtre : sous cette petite peau est une autre écorce d’une substance dure, & comme pierreuse. L’intérieur de ce fruit est rempli d’une chair un peu amere, jaune & molle, dans laquelle sont renfermés le plus souvent vingt-quatre noyaux de la grosseur d’une noix, lorsqu’ils sont frais, couverts d’un duvet argenté, & de différentes & inégales figures : ces noyaux en séchant diminuent & n’ont plus que la grosseur d’une noisette ou aveline. Voilà cette aveline connue en matiere médicale sous le nom de feve de S. Ignace.

Ceux qui en font usage, la donnent aux adultes, réduite en poudre par le moyen d’une fine rape, à la dose de 24 grains, & à celle de 4 grains pour les petits enfans : d’autres la font macérer pendant douze heures dans du vin, ou quelque eau distillée convenable, & en prescrivent l’infusion. L’huile de ces feves est un puissant émétique, à la dose d’once j. La teinture jaunâtre de cette noix, par le secours de l’esprit-de-vin, se prescrit intérieurement depuis scrupule j. jusqu’à demi-dragme, & est recommandée extérieurement contre la sciatique & autres douleurs des articulations.

Quelques-uns vantent les vertus de ces noyaux & leurs diverses préparations dans les affections comateuses, la léthargie, l’apoplexie, la paralysie, l’épilepsie, les poisons, & même dans d’autres maladies plus communes, comme le catarrhe, les vers, la colique, la suppression des mois & des vuidanges. Wedelius prétend avoir heureusement employé la feve de S. Ignace dans les fievres continues. Michel Bernard Valentin, qui a le premier publié une dissertation sur cette feve ; dans son traité des polychrestes exotiques, & depuis dans son histoire réformée des simples, n’en fait pas de moindres éloges que son compatriote, pour la cure des maladies chroniques invétérées.

Le P. Georges Camelli jésuite, dans sa description des plantes de l’île de Luzone, la principale des Philippines, croit que ce noyau est la noix vomique de Serapion. Voyez la lettre de ce curieux jésuite, adres-

sée à Rai & à Petivet, dans les Trans. philosop. ans. 1699, pag. 87, & dans les acta eruditor, an. 1700, pag. 552. Il rapporte dans cette lettre plusieurs détails, que nous ne transcrirons pas, sur l’estime singuliere qu’en font les Indiens ; mais il ajoûte à son récit des observations qui prouvent clairement combien la feve de S. Ignace est dangereuse, puisqu’elle produit dans les Espagnols des mouvemens spasmodiques, le vertige, la syncope, & des sueurs froides. C’en est trop pour justifier que les qualités de ce noyau ne sont guere différentes de celles de la noix vomique : aussi ce remede n’est point usité par tout ce qu’il y a de medecins éclairés, sages & prudens ; peut-être même feroit-on bien de le bannir entierement de la Medecine. En effet qu’avons-nous besoin de drogues étrangeres, plus capables d’inspirer des alarmes que de la confiance, dans le succès de leurs opérations ? Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

Feve, (Hist. anc.) La feve, je dirai mieux le κύαμος des Grecs, & le faba des Latins, étoit respectée ou regardée comme impure par plusieurs peuples de l’antiquité, & en particulier par les Egyptiens ; car leurs prêtres s’en abstenoient, selon le témoignage d’Hérodote. Les Romains les employoient dans les funérailles, & autres cérémonies funebres. Voyez Lémurales.

Le vulgaire croyoit que ce monde étoit rempli de démons, lemures, les uns bons qu’ils appelloient lares, les autres mauvais qu’ils nommoient spectres, larvæ, spectra. Il étoit persuadé de l’apparition de ces derniers ; opinion folle dont il n’est pas encore revenu, & dont il ne reviendra jamais.

Ce fut pour appaiser ces malins génies, qu’on jettoit sur les tombeaux quantité de feves, qui passoient pour le symbole de la mort. Ces idées ridicules donnerent naissance à la Nécromantie, que l’avidité du gain fit embrasser à plusieurs imposteurs. Ils mirent à profit l’ignorante crédulité du peuple, en s’attribuant le pouvoir d’évoquer les ames, de les interroger, & d’en apprendre l’avenir. Voy. Evocation & Nécromantie.

On peut lire dans les fastes d’Ovide, la maniere dont ils évoquoient les mauvais esprits, en leur offrant des feves. N’est-ce point-là l’origine de l’usage qui regne encore en plusieurs pays catholiques, d’en manger & d’en distribuer le jour de la commémoration des morts ?

Mais qu’a voulu dire Pythagore par la célebre ordonnance qu’il fit à ses disciples de s’abstenir des feves, κύαμων ἀπέχη ? Les anciens eux-mêmes expliquent diversement ce précepte, & par conséquent en ignorent le véritable sens. Quelques-uns l’entendent des feves au propre ; parce que leur nourriture est nuisible à la santé des Gens de Lettres, qu’elle cause des vents, des obstructions dans les visceres, appesantit la tête, trouble l’esprit, & obscurcit la vûe : c’est le sentiment de Cicéron, de divinat. lib. I. cap. xxx. D’autres, comme Pline le raconte, l’attribuent à ce que les feves contiennent les ames des morts, & qu’on trouve sur leurs fleurs des lettres lugubres. D’autres prennent le mot de κύαμος énigmatiquement, pour l’impureté & la luxure.

Il y en a qui interpretent, avec Plutarque, cette défense des charges de la république ; car on sait que plusieurs peuples de la Grece se servoient des feves au lieu de petites pierres, pour l’élection de leurs magistrats. A Athenes, la feve blanche désignoit la réception, l’absolution, la réjection, la condamnation, & la noire. Ainsi, selon Plutarque, Pythagore recommandoit ici figurément à ses disciples, de préférer une vie privée toûjours sûre & tranquille, aux magistratures pleines de troubles & de dangers.

Enfin plusieurs anciens & modernes cherchent