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on le roule par les deux extrémités, & on place le membre entre ces deux rouleaux, qui servent à soûtenir les fanons, & même à soûlever la partie, & à donner un peu d’air par-dessous, quand on le juge à propos. Voyez Flabellation. On met quelquefois les faux-fanons doubles, pour élever le membre davantage. Quand au lieu de drap on n’a que des alaises ou des nappes, il faut s’accommoder aux circonstances : alors on roule séparément les pieces de linge qu’on a, & on met les unes d’un côté & les autres de l’autre, pour remplir l’intention marquée.

Les anciens mettoient tout simplement le membre dans une espece de caisse qui contenoit fort bien tout l’appareil. M. Petit a perfectionné cette pratique : la boîte qu’il a imaginée, contient avantageusement les jambes fracturées, & elle est sur-tout très-utile dans les fractures compliquées de plaie qui exige des pansemens fréquens. Voyez Boîte.

M. de la Faye a inventé aussi une machine pour contenir les fractures, tant simples que compliquées ; elle est composée de plusieurs lames de fer-blanc unies par des charnieres : il suffit de garnir la partie de compresses, & l’on roule cette machine par-dessus, comme une bande. Cette machine, qui peut être de grande utilité à l’armée dans le transport des blessés, pour empêcher les accidens fâcheux qui résultent du froissement des pieces fracturées, est décrite dans le second volume des mémoires de l’académie royale de Chirurgie. M. Coutavoz, membre de la même société académique, a fait à cette machine des additions très-importantes pour un cas particulier, dont il a donné l’observation dans le même volume.

Dans une campagne où l’on n’auroit aucun de ces secours, où l’on manqueroit même de linge, un chirurgien intelligent ne seroit pas excusable, si son esprit ne lui suggeroit quelque moyen pour maintenir les pieces d’os fracturées dans l’état convenable ; on peut faire une boîte ou caisse avec de l’écorce d’arbre, & remplir les inégalités de la partie avec quelque matiere molle, comme seroit de la mousse, &c. Voyez Fracture. (Y)

Fanon, (Manége, Maréchall.) On appelle de ce nom cet assemblage de crins qui tombent sur la partie postérieure des boulets, & cachent celle que nous nommons l’ergot. Leur trop grande quantité décele des chevaux épais, grossiers & chargés d’humeurs ; elle est d’autant plus nuisible, qu’elle ne sert qu’à réceler la crasse, la boue & toutes les matieres irritantes, que nous regardons avec raison comme les causes externes d’une foule de maux qui attaquent les jambes de l’animal. On employe des cisailles ou pinces à poil, pour dégarnir le fanon. Voyez Panser. (e)

FANTAISIE, s. f. (Gramm.) signifioit autrefois l’imagination, & on ne se servoit guere de ce mot que pour exprimer cette faculté de l’ame qui reçoit les objets sensibles. Descartes, Gassendi, & tous les philosophes de leur tems, disent que les especes, les images des choses se peignent en la fantaisie ; & c’est de là que vient le mot fantôme. Mais la plûpart des termes abstraits sont reçûs à la longue dans un sens différent de leur origine, comme des instrumens que l’industrie employe à des usages nouveaux. Fantaisie veut dire aujourd’hui un desir singulier, un goût passager : il a eu la fantaisie d’aller à la Chine : la fantaisie du jeu, du bal, lui a passé. Un peintre fait un portrait de fantaisie, qui n’est d’après aucun modele. Avoir des fantaisies, c’est avoir des goûts extraordinaires qui ne sont pas de durée. Voyez l’article suivant. Fantaisie en ce sens est moins que bisarrerie & que caprice. Le caprice peut signifier un dégoût subit & déraisonnable. Il a eu la fantaisie de la musique, & il s’en est dégoûté par caprice. La bisarrerie donne

une idée d’inconséquence & de mauvais goût, que la fantaisie n’exprime pas : il a eu la fantaisie de bâtir, mais il a construit sa maison dans un goût bisarre. Il y a encore des nuances entre avoir des fantaisies & être fantasque : le fantasque approche beaucoup plus du bisarre. Ce mot désigne un caractere inégal & brusque. L’idée d’agrément est exclue du mot fantasque, au lieu qu’il y a des fantaisies agréables. On dit quelquefois en conversation familiere, des fantaisies musquées ; mais jamais on n’a entendu par ce mot, des bisarreries d’hommes d’un rang supérieur qu’on n’ose condamner, comme le dit le dictionnaire de Trévoux : au contraire, c’est en les condamnant qu’on s’exprime ainsi ; & musquée en cette occasion est une explétive qui ajoûte à la force du mot, comme on dit sottise pommée, folie fieffée, pour dire sottise & folie complette. Article de M. de Voltaire.

Fantaisie, (Morale.) c’est une passion d’un moment, qui n’a sa source que dans l’imagination : elle promet à ceux qu’elle occupe, non un grand bien, mais une joüissance agréable : elle s’exagere moins le mérite que l’agrément de son objet ; elle en desire moins la possession que l’usage : elle est contre l’ennui la ressource d’un instant : elle suspend les passions sans les détruire : elle se mêle aux penchans d’habitude, & ne fait qu’en distraire. Quelquefois elle est l’effet de la passion même ; c’est une bulle d’eau qui s’éleve sur la sur face d’un liquide, & qui retourne s’y confondre ; c’est une volonté d’enfant, & qui nous ramene pendant sa courte durée, à l’imbécillité du premier âge.

Les hommes qui ont plus d’imagination que de bon-sens, sont esclaves de mille fantaisies ; elles naissent du desœuvrement, dans un état où la fortune a donné plus qu’il ne faut à la nature, où les desirs ont été satisfaits aussi-tôt que conçûs : elles tyrannisent les hommes indécis sur le genre d’occupations, de devoirs, d’amusemens qui conviennent à leur état & à leur caractere : elles tyrannisent surtout les ames foibles, qui sentent par imitation, Il y a des fantaisies de mode, qui pendant quelque tems sont les fantaisies de tout un peuple ; j’en ai vû de ce genre, d’extravagantes, d’utiles, de frivoles, d’héroïques, &c. Je vois le patriotisme & l’humanité devenir dans beaucoup de têtes des fantaisies assez vives, & qui peut-être se répandroient, sans la crainte du ridicule.

La fantaisie suspend la passion par une volonté d’un moment & le caprice interrompt le caractere. Dans la fantaisie on néglige les objets de ses passions & les principes, & dans le caprice on les change. Les hommes sensibles & legers ont des fantaisies, les esprits de travers sont fertiles en caprices.

Fantaisie, (Musique.) piece de musique instrumentale qu’on exécute en la composant Il y a cette différence du caprice à la fantaisie, que le caprice est un recueil d’idées singulieres & sans liaison, que rassemble une imagination échauffée, & qu’on peut même composer à loisir, au lieu que la fantaisie peut être une piece très-réguliere, qui ne differe des autres qu’en ce qu’on l’invente en l’exécutant, & qu’elle n’existe plus quand elle est achevée : ainsi le caprice est dans l’espece & l’assortiment des idées, & la fantaisie dans leur promptitude à se présenter. Il suit de-là qu’un caprice peut fort bien s’écrire, mais jamais une fantaisie ; car si-tôt qu’elle est écrite ou répetée, ce n’est plus une fantaisie, mais une piece ordinaire. (S)

Fantaisie, (Manége.) On doit nommer fantaisie dans le cheval, une action quelconque suggérée par une volonté tellement opiniâtre & rebelle, qu’elle répugne à toute autre dénomination ; & appeller du nom de défense, la résistance plus ou moins forte que l’animal oppose à toute puissance émanant d’une vo-