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de Québec ; il s’éleve considérablement, par le secours des arbres voisins autour desquels il s’entortille tantôt de droite à gauche, & tantôt de gauche à droite. Quoiqu’il soit dépourvû de mains & de vrilles, il embrasse cependant les autres arbres si fortement, qu’à mesure qu’ils grossissent il paroît s’enfoncer & s’ensevelir dans leur écorce & leur substance : de sorte qu’en comprimant & resserrant les vaisseaux qui portent le suc nourricier, il empêche qu’il ne s’y distribue, & les fait enfin périr. Si dans son voisinage il ne rencontre point d’arbre pour s’élever, il se tortille sur lui-même. On pourroit rapporter cette plante au rang des fusains, autrement bonnets de prêtre. Je ne sai pourquoi M. Danty d’Isnard en a fait un genre particulier dans les Mém. de l’académie des Sciences, ann. 1716, où il donne son caractere & ses especes : nous ne le suivrons point dans ces minuties. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

EVORA, (Géog. mod.) capitale de l’Alentéjo, en Portugal. Long. 10. 25. lat. 38. 28.

Evora de monte, (Géog. mod.) ville de l’Alentéjo en Portugal.

EUOUAE ; mot barbare formé des six voyelles qui entrent dans les deux mots sæculorum amen. C’est sur les lettres de ce mot qu’on trouve indiquées dans les pseautiers & les antiphoniers, les notes par lesquelles, dans chaque ton & dans les diverses modifications de chaque ton, il faut terminer les versets des pseaumes ou des cantiques. (S)

EUPATOIRE, s. f. eupatorium, (Hist. nat. bot.) genre de plante à fleur composée de plusieurs fleurons, auxquels tiennent des filamens longs & fourchus. Ces fleurons sont découpés & portés sur des embryons, & soûtenus par un calice long, cylindrique, & écailleux : chaque embryon devient dans la suite une semence garnie d’une aigrette. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez Plante. (I)

Eupatoire femelle, bidens, (Hist. nat. bot.) genre de plante à fleurs pour l’ordinaire en fleurons, composées de plusieurs pétales découpés qui tiennent à un embryon, & qui sont entourées d’un calice. Quelquefois il y a des fleurs en demi-fleurons : l’embryon devient une semence terminée par des pointes. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez Plante. (I)

EUPETALOS, (Hist. nat.) pierre dont parle Pline, qui étoit de quatre couleurs, & que de Boot regarde comme une opale.

EUPHÉMIE, s. f. (Belles-Lettres.) εὐφημία, mot composé de εὖ, bien, & φημὶ, je dis ; nom des prieres que les Lacédémoniens adressoient aux dieux : elles étoient courtes & dignes du nom qu’elles portoient, car ils leur demandoient seulement ut pulchra bonis adderent : « qu’ils pussent ajoûter la gloire à la vertu ». Renfermer en deux mots toute la morale des philosophes grecs, pour en faire l’objet de ses vœux, cela ne pouvoit se trouver qu’à Lacédémone. Art. de M. le Chevalier de Jaucourt.

EUPHÉMISME, s. m. εὐφημισμος, de εὖ, bien, heureusement, & de φημὶ, je dis. L’euphémisme est un trope, puisque les mots n’y sont pas pris dans le sens propre : c’est une figure par laquelle on déguise à l’imagination des idées qui sont ou peu honnêtes, ou desagréables, ou tristes, ou dures ; & pour cela on ne se sert point des expressions propres qui exciteroient directement ces idées. On substitue d’autres termes qui réveillent directement des idées plus honnêtes ou moins dures ; on voile ainsi les premieres à l’imagination, on l’en distrait, on l’en écarte ; mais par les adjoints & les circonstances, l’esprit entend bien ce qu’on a dessein de lui faire entendre.

Il y a donc deux sortes d’idées qui donnent lieu de recourir à l’euphémisme.

1°. Les idées deshonnêtes.

2°. Les idées desagréables, dures ou tristes.

A l’égard des idées deshonnêtes, on peut observer que quelque respectable que soit la nature & son divin auteur, quelques utiles & quelques nécessaires même que soient les penchans que la nature nous donne, nous avons à les regler ; & il y a bien des occasions où le spectacle direct des objets & celui des actions nous émeut, nous trouble, nous agite. Cette émotion qui n’est pas l’effet libre de notre volonté, & qui s’éleve souvent en nous malgré nous-mêmes, fait que lorsque nous avons à parler de ces objets ou de ces actions, nous avons recours à l’euphémisme : par-là nous ménageons notre propre imagination, & celle de ceux à qui nous parlons, & nous donnons un frein aux émotions intérieures. C’est une pratique établie dans toutes les nations policées, où l’on connoît la décence & les égards.

En second lieu, pour ce qui regarde les idées dures, desagréables, ou tristes, il est évident que lorsqu’elles sont énoncées directement par les termes propres destinés à les exprimer, elles causent une impression desagréable qui est bien plus vive que si l’on avoit pris le détour de l’euphémisme.

Il ne sera pas inutile d’ajoûter ici quelques autres réflexions, & quelques exemples en faveur des personnes qui n’ont pas le livre des tropes, où il est parlé de l’euphémisme, article 15. p. 164.

Les personnes peu instruites croyent que les Latins n’avoient pas la délicatesse dont nous parlons ; c’est une erreur.

Il est vrai qu’aujourd’hui nous avons quelquefois recours au latin, pour exprimer des idées dont nous n’osons pas dire le nom propre en françois ; mais c’est que comme nous n’avons appris les mots latins que dans les livres, ils se présentent en nous avec une idée accessoire d’érudition & de lecture qui s’empare d’abord de l’imagination ; elle la partage ; elle l’enveloppe ; elle écarte l’image deshonnête, & ne la fait voir que comme sous un voile. Ce sont deux objets que l’on présente alors à l’imagination, dont le premier est le mot latin qui couvre l’idée obscène qui le suit ; au lieu que comme nous sommes accoûtumés aux mots de notre langue, l’esprit n’est pas partagé : quand on se sert des termes propres, il s’occupe directement des objets que ces termes signifient. Il en étoit de même à l’égard des Grecs & des Romains : les honnêtes gens ménageoient les termes, comme nous les ménageons en françois, & leur scrupule alloit même quelquefois si loin, que Ciceron nous apprend qu’ils évitoient la rencontre des syllables qui, jointes ensemble, auroient pû réveiller des idées deshonnêtes : cum nobis non dicitur, sed nobiscum ; quia si ita diceretur, obsceniùs concurrerent litteræ. (Orator. c. xlv. n. 154.)

Cependant je ne crois pas que l’on ait postposé la préposition dont parle Ciceron par le motif qu’il en donne ; sa propre imagination l’a séduit en cette occasion. Il y a en effet bien d’autres mots tels que tenus, enim, verò, quoque, ve, que, pour &, &c. que l’on place après les mots devant lesquels ils devroient être énoncés selon l’analogie commune. C’est une pratique dont il n’y a d’autre raison que la coûtume, du moins selon la construction usuelle, dabat hanc licentiam consuetudo. Cic. orat. n. 155. c. xlvj. Car selon la construction significative, tous ces mots doivent précéder ceux qu’ils suivent ; mais pour ne point contredire cette pratique, quand il s’agit de faire la construction simple, on change verò en sed, & au lieu de enim, on dit nam, &c.

Quintilien est encore bien plus rigide sur les mots obscènes ; il ne permet pas même l’euphémisme, parce que malgré le voile dont l’euphémisme couvre l’idée obscène, il n’empêche pas de l’appercevoir. Or