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& mourut de ses blessures : le roi Henri II. fit dès ce moment vœu de ne plus permettre les duels.

Mais quoiqu’on eût cessé de permettre en justice le duel, comme une preuve juridique pour décider les questions douteuses, les duels que les parties faisoient sans permission, & ordinairement pour des querelles d’honneur, furent pendant long-tems très communs.

Le maréchal de Brissac en Piémont voyant la fureur des duels, imagina de les permettre, mais d’une façon si périlleuse, qu’il en ôta l’envie à ceux qui auroient pû l’avoir, ayant ordonné que l’on se battroit sur un pont entre quatre piques, & que le vaincu seroit jetté dans la riviere, sans que le vainqueur pût lui donner la vie.

L’édit de 1569 ordonna que nul ne pourroit poursuivre au sceau l’expédition d’aucune grace où il y auroit soupçon de duel ou rencontre préméditée, qu’il ne fût actuellement prisonnier à la suite du roi, ou bien dans la principale prison du parlement dans le ressort duquel le combat auroit été fait ; & qu’après qu’il auroit été vérifié qu’il n’étoit en aucune sorte contrevenu à l’édit, & que le roi auroit pris sur ce l’avis des maréchaux de France, Sa Majesté se réservoit d’accorder des lettres de remission en connoissance de cause.

L’ordonnance de Blois, art. 194, renouvella les défenses faites précédemment contre les duels, & d’expédier pour ces cas aucunes lettres de grace ; ajoûtant que s’il en étoit accordé quelqu’une par importunité, les juges n’y auroient aucun égard, encore qu’elles fussent signées du roi, & contre-signées par un secrétaire d’état.

Le parlement de Paris défendit aussi séverement les duels, comme on voit par un arrêt de la tournelle du 26 Juin 1599, portant défenses à tous sujets du roi, de quelque qualité & condition qu’ils fussent, de prendre de leur autorité privée par duels, la réparation des injures & outrages qu’ils prétendroient avoir reçûs ; leur enjoint de se pourvoir par-devant les juges ordinaires, sur peine de crime de lese-majesté, confiscation de corps & de biens, tant contre les vivans que contre les morts ; ensemble contre tous gentilshommes & autres qui auroient favorisé ces combats & assisté aux assemblées faites à l’occasion des querelles, comme transgresseurs des commandemens de Dieu, rebelles au roi, infracteurs des ordonnances, violateurs de la justice, perturbateurs du repos & tranquillité publique ; & il fut enjoint à tous gouverneurs, baillis & autres officiers d’y tenir la main.

Les défenses contre les duels furent renouvellées par Henri IV. en 1609, par Louis XIII. en 1611, 1613, 1614, 1617 ; par un édit du mois d’Août 1623, & une déclaration du 26 Juin 1624, une autre de 1626, & un réglement du mois de Mai 1634.

Mais toutes ces lois multipliées furent sans aucun fruit jusqu’au tems de Louis XIV. lequel défendit les duels encore plus rigoureusement que ses prédécesseurs, & tint la main à l’exécution des réglemens, comme on voit par ses edits du mois de Juin 1643, & de 1651 ; par l’ordonnance de 1670, tit. xvj. art. 4. & par plusieurs déclarations des mois d’Août 1679, Décembre 1704, & 28 Décembre 1711.

La déclaration du mois d’Août 1679 peut être regardée comme le siége de la matiere, étant le réglement le plus ample, & les autres réglemens postérieurs ne servant que d’explication à celui-ci. Le roi exhorte d’abord tous ses sujets à vivre en paix, de garder le respect convenable à chacun, selon sa qualité ; de faire tout ce qui dépendra d’eux pour prévenir tous différends, débats & querelles, sur-tout celles qui peuvent être suivies de voies de fait ; de se donner les uns aux autres tous les éclaircissemens né-

cessaires sur les plaintes qui pourroient survenir entre

eux, déclarant que ce procédé sera réputé un effet de l’obéissance dûe au roi.

Les maréchaux de France, les gouverneurs des provinces, ou en leur absence les commandans & les lieutenans des maréchaux de France, sont chargés de terminer tous les différends qui pourroient arriver entre les sujets du roi, suivant le pouvoir qui leur en étoit déja donné par les anciennes ordonnances.

Ceux qui assisteront ou se rencontreront, quoiqu’inopinément, aux lieux où se commettront des offenses à l’honneur, soit par des rapports ou discours injurieux, soit par des manquemens de promesse ou parole donnée, soit par démentis, coup de main ou autres outrages, sont obligés d’en avertir les maréchaux de France ou autres personnes dénommées ci-devant, à peine d’être réputés complices desdites offenses, & d’être poursuivis comme y ayant tacitement contribué, pour ne s’être pas mis en devoir d’en empêcher les suites.

Les maréchaux de France & leurs lieutenans, les gouverneurs ou commandans des provinces, ayant avis de quelque différend entre gentilshommes & autres faisant profession des armes, doivent aussi-tôt leur défendre toutes voies de fait, & les faire assigner devant eux, & s’ils craignent quelqu’infraction à ces ordres, leur envoyer des archers ou gardes de la connétablie, pour se tenir près des parties, & à leurs frais, jusqu’à ce qu’elles se soient rendues devant celui qui les aura fait appeller.

Les officiers dont on vient de parler ayant le pouvoir de rendre des jugemens souverains sur le point d’honneur & réparation d’offenses, doivent accorder à l’offensé une réparation dont il ait lieu d’être content.

Si l’offense blesse aussi le respect dû aux lois & ordonnances, le coupable pourra en outre être condamné à tenir prison ou au bannissement, & en une amende.

Les différends entre gentilshommes, pour la chasse, les droits honorifiques des églises, & droits féodaux & seigneuriaux, seront réglés de même avec des arbitres convenus par les parties, le tout sans frais, sauf l’appel au parlement.

Au cas qu’un gentilhomme refuse ou differe sans cause légitime d’obéir aux ordres des juges du point d’honneur, il y sera contraint, soit par garnison ou par emprisonnement, & s’il ne peut être pris, par saisie & annotation de ses biens.

Ceux qui ayant eu des gardes des maréchaux de France ou autres juges du point d’honneur, s’en seront dégagés, doivent être punis avec rigueur.

Celui qui se croyant offensé, fera un appel à qui que ce soit, demeurera déchû de toute satisfaction, tiendra prison pendant deux ans, & sera condamné en une amende qui ne pourra être moindre de la moitié d’une année de ses revenus, & sera suspendu de toutes ses charges, & privé du revenu d’icelles durant trois ans : ces peines peuvent même être augmentées, selon les circonstances.

Si celui qui est appellé, au-lieu de refuser l’appel & d’en donner avis aux officiers préposés pour cet effet, va sur le lieu de l’assignation, ou fait effort pour y aller, il sera puni des mêmes peines que l’appellant.

Ceux qui auront appellé pour un autre, ou qui auront accepté l’appel sans en donner avis, seront punis de même.

Si l’appel est fait par un inférieur à ceux qui ont droit de le commander, il tiendra prison pendant quatre ans, & sera privé pendant ce tems de l’exercice de ses charges, & de ses gages & appointemens. Si c’est un inférieur qui appelle un supérieur ou sei-