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que les créanciers se faisoient adjuger leurs débiteurs comme esclaves. Cet usage continua jusqu’à ce que le tribun Petilius fît réformer cette loi rigoureuse, & ordonner que le débiteur ne pourroit être adjugé comme esclave au créancier, ce qui fut renouvellé & amplifié 700 ans après par l’empereur Dioclétien, lequel prohiba totalement cette maniere de servitude temporelle appellée nexus, dont il est parlé dans la loi ob as alienum, codice de obligat. les créanciers avoient seulement toûjours le pouvoir de retenir leurs débiteurs dans une prison publique jusqu’à ce qu’ils eussent payé. Enfin Jules César touché de commisération pour les débiteurs malheureux, leur accorda le bénéfice de cession, afin qu’ils pûssent se tirer de captivité en abandonnant tous leurs biens ; & afin qu’ils ne perdissent pas toute espérance de se rétablir à l’avenir, il ordonna que les biens qu’ils acquéreroient depuis la cession ne pourroient leur être ôtés qu’au cas qu’ils eussent au-delà de leur nécessaire.

Ainsi la peine de mort & la servitude étant abolies, il ne resta plus contre le débiteur que la contrainte par corps, dans les cas où l’on pouvoit en user ; & le débiteur eut la triste ressource de faire cession, qui étoit toûjours accompagnée d’une sorte d’ignominie, & suivie de la proclamation générale des biens du débiteur.

La contrainte par corps avoit lieu chez les Romains contre le débiteur, lorsqu’il s’y étoit soûmis ou qu’il y étoit condamné pour cause de stellionat : mais les lois veulent que le créancier ne soit point trop dur pour son débiteur ; qu’il ne poursuive point un homme moribond ; qu’il n’affecte rien pour faire outrage à son débiteur : elles veulent aussi que le débiteur ne soit pas trop délicat sur les poursuites que l’on fait contre lui ; elles regardent comme une injure faite à quelqu’un, de l’avoir traité de débiteur lorsqu’il ne l’étoit pas ; ce qui ne doit néanmoins avoir lieu que quand la demande paroît avoir été formée à dessein de faire injure, & qu’elle peut avoir fait tort au défendeur, par exemple, si c’est une personne constituée en dignité ou un marchand auquel on ait voulu faire perdre son crédit.

Chez les Gaulois, les gens du peuple qui ne pouvoient pas payer leurs dettes, se donnoient en servitude aux nobles qui étoient leurs créanciers, lesquels acquéroient par-là sur eux les mêmes droits que les maîtres avoient sur leurs esclaves ; c’est ce que les Latins appelloient addicti homines.

En France nous ne suivons pas sur cette matiere tous les principes du Droit romain.

Le débiteur ne peut pas s’obliger ni être condamné par corps, que dans les cas où cela est autorisé par les ordonnances. Voyez Contrainte par corps.

Il falloit chez les Romains discuter les meubles du débiteur avant d’en venir à ses immeubles, & ensuite à ses dettes actives, au lieu que parmi nous la discussion préalable des meubles & effets mobiliers n’est nécessaire qu’à l’égard des mineurs ; du reste on peut cumuler contre le débiteur toutes sortes de poursuites, saisie & arrêt, saisie & exécution, & la saisie réelle pourvû qu’il s’agisse au moins de 200 livres, & la contrainte par corps, si c’est un cas où elle ait lieu.

Le principal débiteur doit être discuté avant ses cautions, à moins qu’ils ne soient tous solidaires. V. Discussion.

Le débiteur peut se libérer en plusieurs manieres ; savoir, par un payement effectif, ou par des offres réelles suivies de consignation ; ce qui peut se faire en tout tems, à moins qu’il n’y ait clause ou contraire : pour ce qui est de l’imputation des payemens, voyez au mot Imputation : il peut aussi se libérer par compensation, laquelle équivaut à un payement ; par la perte de la chose qui étoit dûe si

c’est un corps certain & qu’il n’y ait point eu de la faute du débiteur ; par la prescription & par la cession de biens, &c.

Celui qui est en état d’opposer quelque exception peremptoire, telle que la compensation ou la prescription, n’est pas véritablement débiteur. V. Compensation, Obligation naturelle & Prescription.

Quand le créancier n’a point de titre, on défere ordinairement l’affirmation au débiteur ; cela souffre néanmoins quelques exceptions. Voyez au mot Serment.

La cession de biens ne libere pas absolument le débiteur ; car il peut être poursuivi sur les biens qui lui sont advenus depuis la cession.

Le débiteur qui se trouve hors d’état de payer pouvoit, chez les Romains, obtenir terme & délai de deux ans, même jusqu’à cinq années. En France, suivant l’ordonnance de 1669, les juges, même souverains, ne peuvent donner répi ni délai de payer, si ce n’est en vertu de lettres du grand sceau appellées lettres de répi ; mais ces sortes de lettres ne sont plus gueres usitées : les juges accordent quelquefois un délai de trois mois ou six mois & plus, pour payer en deux ou trois termes ; il n’y a point de regle certaine là-dessus, cela dépend de la prudence du juge & des circonstances.

Il n’est pas permis au débiteur de renoncer en fraude de ses créanciers, aux droits qui lui sont acquis ; il lui étoit cependant libre, chez les Romains, de renoncer à une succession déjà ouverte, afin qu’il ne fût pas exposé malgré lui aux dettes ; mais cela n’est pas observé parmi nous ; les créanciers peuvent à leurs risques exercer tous les droits acquis à leur débiteur ; il lui est seulement libre de ne pas user des droits qui ne consistent qu’en une simple faculté, comme d’intenter un retrait.

La réunion des qualités de créancier & débiteur dans une même personne, opere une confusion d’actions. Voyez ci-devant Confusion. Voyez les textes de droit indiqués par Brederode au mot Débiteur, & ci-après au mot Dettes. (A)

DEBITIS, s. m. pl. (Jurisprud.) on appelloit anciennement lettres ou mandement de debitis, des lettres à-peu-près semblables à celles que nous appellons aujourd’hui lettres de committimus. C’étoit un mandement général, qui étoit fait au premier huissier ou sergent sur ce requis, de faire payer à l’impétrant toutes les sommes qui lui étoient dûes par ses débiteurs ; & c’est de-là que ces lettres étoient appellées lettres de debitis. On obtenoit ordinairement ces sortes de lettres, quand on vouloit agir en vertu de quelque titre qui n’avoit pas son exécution parée, tel qu’un acte passé devant un notaire ou greffier autre que de courlaye, comme il est dit en l’art. 360 de la coûtume d’Orléans. Au commencement on avoit le choix d’obtenir les debitis en chancellerie ou du juge royal ; & l’archevêque de Reims en qualité de premier pair de France, fut maintenu par arrêt du 6 Avril 1418, dans le droit de faire expédier des debitis généraux d’autorité royale ; mais en 1540 il fut jugé que le roi auroit seul pouvoir d’accorder des lettres de debitis.

Quand il y avoit appel des debitis, il ressortissoit au parlement & non devant le juge royal.

Présentement ces sortes de lettres ne sont plus en usage. Voyez l’ordonn. de Louis XII. de l’an 1512, art. 6. la pratique de Masnet, tit. viij. & xxx. Dumolin, sur l’art. 52 de l’ancienne coûtume, & le 74 de la nouvelle, n. 109 & 110. M. de Lauriere au mot Debitis. (A)

DEBLAER ou DEBLAVER, v. n. (Jurisprud.) c’est couper les blés pendans par les racines, faire la récolte des blés. Coûtume d’Auxerre, art. 117. Ce