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pissent : d’où toutes les fonctions naturelles, vitales & animales sont lésées dans leur exercice : d’où s’ensuivent une infinité de maux qui naissent les uns des autres, & qui sont très-difficiles à guérir, sur-tout la cachexie, la cacochymie, qui en sont presque toûjours les suites inévitables.

La débilité générale qui produit de si mauvais effets, est elle-même causée par celle des fibres, des petits vaisseaux ; par l’inertie des fluides dans les grands vaisseaux, où ils ne sont pas en suffisante quantité après de trop grandes évacuations ; qui ont trop de fluidité, parce qu’ils sont trop aqueux ; qui ne sont pas assez mis en mouvement par l’action musculaire ; par le trop grand nombre de petits vaisseaux, qui tendent trop à se convertir en fibres solides, &c.

La débilité est un vice dominant qu’il faut observer soigneusement, pour bien connoître les maladies qui en dépendent & bien juger de leurs évenemens, & pour discerner les remedes qu’il convient d’employer pour en obtenir sûrement guérison.

On doit sur toutes-choses avoir attention de ne pas se hâter de produire des changemens dans l’état de débilité, parce qu’il n’est point de cas dans lesquels il soit si dangereux d’en procurer de prompts : il convient donc de procéder lentement & avec prudence, & d’avancer par degrés dans l’administration & l’usage des secours convenables, proportionnément toûjours au degré de force des vaisseaux.

Les principaux remedes que l’on peut employer contre la débilité, sont principalement le bon regime, les alimens, les médicamens propres à fortifier, l’exercice reglé : on les trouvera indiqués plus particulierement dans la partie de l’article, où il est question de la curation des fibres débiles ; celui-ci est extrait de Boerhaave & de Wanswieten. Voyez aussi Cachexie, Cacochymie. (d)

Débilité, (Maladie.) foiblesse du corps en général, défaut de forces, symptome de maladie, & surtout de fievre. C’est l’impuissance d’exercer les mouvemens musculaires, qui dépendent de la volonté ; comme lorsqu’un malade alité par la fievre, peut à peine remuer & lever les membres, quoiqu’il en ait le dessein, & qu’il fasse ses efforts pour l’exécuter, sans cependant qu’aucune douleur l’en empêche.

Car on n’appelle pas foiblesse la cause qui empêche quelqu’un de se mouvoir, qui souffre des douleurs violentes de rhumatisme ou de goutte. On distingue aussi la débilité de la paralysie, en ce que dans celle-ci il y a impuissance totale & invincible ; au lieu que dans la premiere, quelque grande qu’elle soit, on peut par un grand effort de la volonté parvenir à remuer quelque partie du corps, quoique très-difficilement & pour peu de tems. D’ailleurs la paralysie ne supprime pas en même tems le mouvement de tous les muscles sans exception, & dans la débilité ils sont tous également affectés ; & il y a autant de difficulté à mettre en mouvement les uns que les autres, à proportion des forces qui doivent être employées pour chacun d’eux : ainsi un homme très-foible peut encore remuer les levres, la langue, les yeux, les doigts sans beaucoup de peine, qui ne peut pas étendre le bras, se lever ni se tourner, parce qu’il faut pour ces effets mettre en jeu un grand nombre de muscles considérables en même tems.

Comme l’Anatomie n’a pas laissé de doute sur la structure du cerveau, & qu’il est bien établi qu’il est composé de vaisseaux qui, quoique très-déliés, ne laissent pas d’avoir une cavité, & de contenir un fluide très-subtil ; il y a donc lieu de penser que la débilité dont il s’agit ici, est un effet des obstacles que trouve le fluide nerveux à être distribué par la détermination de la volonté dans les nerfs, qui doi-

vent le porter aux muscles qui lui sont soûmis, ou du défaut de ce même fluide.

Les causes de ces empêchemens du mouvement musculaire, sont principalement les suivantes ; savoir,

1°. Le défaut des fluides dans les vaisseaux en général, à la suite de quelque grande évacuation. Ceux-ci n’étant pas pleins, les liquides qu’ils contiennent n’offrent point de résistance aux mouvemens de contraction du cœur ; ils ne sont par conséquent pas dilatés : ils ne se contractent pas non plus. Le sang ne reçoit pas son mouvement progressif vers les extrémités des vaisseaux ; il n’en est pas distribué suffisamment au cerveau, pour fournir la matiere du fluide nerveux qui manquera pour être distribué aux muscles ; d’où suivra nécessairement la débilité : ce qui est prouvé journellement par ce qui arrive aux hommes ou aux animaux les plus robustes, qui après une grande perte de sang qui diminue considérablement la plénitude des vaisseaux, tombent dans la langueur & dans la foiblesse.

2°. L’imméabilité des fluides & l’obstruction des conduits. De-là vient que dans les maladies inflammatoires, lorsque le sang privé de son véhicule, passe difficilement par les extrémités de ses vaisseaux, il arrive souvent une si grande foiblesse, sur-tout si l’effort de la maladie se porte vers la tête, & que les vaisseaux du cerveau soient plus particulierement engorgés. C’est aussi ce qui arrive dans les corps cacochymes, froids, remplis d’humeurs lentes, visqueuses, qui ne peuvent pas pénétrer dans les vaisseaux du cerveau, & qui s’y arrêtent : il en résulte un engourdissement, une stupidité, & une impuissance à l’exercice des mouvemens musculaires.

3°. La compression des nerfs, sur-tout vers son origine, dans le cerveau. C’est souvent la cause d’une grande foiblesse dans les hommes pléthoriques, dont les humeurs ne pechent que par l’abondance du bon sang, qui venant à remplir les vaisseaux dans l’intérieur du crâne, qui ne peut pas céder, se porte à comprimer toute la substance pulpeuse du cerveau : ce qui empêche le libre cours du fluide contenu dans les nerfs. Ces personnes pléthoriques sont souvent guéries de cette débilité par une saignée, qui fait cesser la compression en diminuant le volume du sang qui la causoit. La raréfaction du sang qu’excite la chaleur de la fievre, peut produire les mêmes effets, qui peuvent aussi cesser par le même remede. L’épanchement d’humeurs quelconques, qui pesent sur le cerveau, empêche aussi le cours des esprits d’une maniere plus constante & presqu’incurable.

4°. La foiblesse du cœur, dont les fibres se trouvent distendues, relâchées, qui ne peuvent plus vaincre la résistance des fluides ; qui souffrent toûjours par leurs propres efforts de plus grandes distractions, & s’affoiblissent toûjours davantage, jusqu’à se rompre, comme il conste par plusieurs observations. Mais comme c’est de l’impulsion du cœur que dépend l’abord du sang au cerveau, pour y fournir à la secrétion du fluide nerveux ; si ce muscle, le plus essentiel de tous, n’agit que foiblement, les nerfs seront mal servis, & la foiblesse de tout le corps s’ensuivra.

5°. Elle est aussi quelquefois occasionnée par une espece de matiere venéneuse qui se ramasse autour du cœur, comme on croit le sentir, c’est-à-dire dans l’épigastre ; de maniere que l’abattement des forces, qui survient en conséquence, sans qu’il paroisse d’autres symptomes fâcheux, & aucun qui affecte le cerveau, peut cependant quelquefois cesser tout de suite, par l’effet d’un vomissement qui emporte cette humeur d’un caractere si pernicieux. Wepffer observe aussi que certains poisons produi-