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dité. Ces conciles, eu égard à ce vice, ne doivent point être réputés généraux ; ils ne le sont que de nom & nullement d’effet ; tels sont les faux conciles d’Ephese & de Rimini, dont nous avons déja parlé : les conciles de cette espece, peuvent être réformés par des conciles vraiment œcuméniques, & qui ne donnent aucune prise pour les attaquer. Voilà, si je ne me trompe, le sens de saint Augustin ; ces paroles, sæpe priora posterioribus emendantur, semblent l’indiquer. Sæpe, dit-il, c’est-à-dire que cela arrivoit non pas quelquefois, mais fréquemment ; & cependant nous ne trouvons nulle part aucun exemple que des conciles reconnus pour œcuméniques par toute l’Eglise, ayent jamais été réformés par d’autres conciles postérieurs ; ainsi c’est une entreprise téméraire que de vouloir jetter des doutes sur l’infaillibilité des conciles généraux. Il n’est pas moins absurde, & contraire à l’esprit des anciens papes, de prétendre qu’ils n’ont de validité qu’autant que les souverains pontifes les approuvent. Les defenseurs de cette opinion ont eu recours, pour établir leur système, aux canons de la distinction 17 ; la critique que nous en avons faite, suffit pour ruiner de fond en comble les inductions qu’on veut tirer de ces canons. Nous avons lieu au contraire de conclure d’après les passages que nous avons rapportés, que les conciles tirent d’eux-mêmes leur autorité, & qu’ils n’ont pas besoin de la confirmation du pape.

Nous ne dissimulons point que le consentement du souverain pontife ne soit d’un grand poids, & qu’il ne soit à desirer que l’évêque du premier siege, le chef visible & ministeriel de l’église catholique, acquiesce à ce qu’elle a décidé ; afin qu’on puisse opposer avec plus de force & d’une façon plus évidente le consentement de l’église universelle à ceux qui veulent en troubler la paix. Mais si le pape refuse de souscrire au concile, s’il n’adopte point la décision de l’Eglise universelle, alors le concile général peut exercer envers lui son autorité comme envers les autres membres de l’Eglise ; c’est ce qu’à décidé formellement le concile de Constance, sess. 3. & celui de Basle, sess. 2. Cette décision que les ultramontains qualifient d’erronée, contient la doctrine de l’église gallicane & des universités du royaume, principalement de celle de Paris. Elle a été soutenue par Gerson chancelier de cette université, par Pierre d’Ailly grand maître de la maison de Navarre, ensuite evêque de Cambrai & cardinal, & par un nombre infini de théologiens & de canonistes. Charles VII. roi de France, qui connoissoit bien les droits de sa couronne, l’a fait insérer dans la pragmatique sanction, de l’avis de tous les ordres du royaume : voici les paroles tirées tant du decret du concile de Basle, que de la pragmatique sanction. Et primo declarat quod ipsa synodus, in Spiritu sancto legitimè congregata, generale concilium faciens, & ecclesiam militantem representans, potestatem habet a Christo immediatè. Cui quilibet cujuscumque status, conditionis, vel dignitatis, etiamsi papalis existat, obedire tenetur in his quæ pertinent ad fidem, & extirpationem schismatis, & generalem reformationem ecclesiæ Dei, in capite & in membris. prag. sanct. tit. 1 p. 3 & 4. On trouve cette doctrine mise dans tout son jour dans le chapitre douzieme des preuves des libertés de l’église gallicane, & dans M. Dupin, docteur de Sorbonne, dissert. 6 de antiquâ ecclesiæ disciplinâ, & vetutissimæ disciplinæ monumentis, où il démontre 1°. que l’autorité du concile général est supérieure à celle du pape : 2°. que le concile général a la puissance de faire des canons qui astreignent même le pape : 3°. que le concile général a le droit de juger le pape, & de le déposer s’il erre dans la foi. Il est donc suivant nos mœurs permis d’appeller des décisions du pape au concile général, comme d’un juge inférieur à un supérieur, chapit. 12 des

mêmes preuves, où l’on rapporte des exemples très remarquables de ces sortes d’appels, tel que celui de Philippe le Bel de la bulle de Boniface VIII, celui des prélats, des sujets & des universités du royaume dans la même cause ; tels sont encore les appels au future concile, interjettés par les procureurs généraux, lorsqu’il fut question d’abroger la pragmatique sanction, & plusieurs autres de cette espece interjettés en diverses occasions par l’université de Paris, & conçus dans les termes les plus forts. Nous renvoyons le lecteur aux sources que nous venons d’indiquer.

Au reste, ce que nous avons dit de l’autorité suprème des conciles ne regarde que la foi qui est immuable, & non la discipline qui peut changer ; & c’est pourquoi les différentes églises ont reçû ou rejetté divers canons des conciles, suivant qu’elles les ont jugés conformes ou contraires à leurs usages. Par exemple, l’église de Rome a reçû les canons du concile de Sardique, en vertu desquels il étoit permis à un évêque qui se croyoit injustement condamné, de s’adresser au pape, & de faire examiner de nouveau sa cause : les Orientaux & les Grecs n’ont point voulu les admettre, comme étant contraires aux canons des conciles de Nicée & d’Antioche. De même ceux du concile d’Antioche ont été adoptés par l’Eglise universelle, quoiqu’elle ait constamment rejetté la foi de ce concile où les Ariens furent les maîtres. D’un autre côté, l’église Romaine a souscrit au symbole du second concile général, mais elle a toûjours refusé d’admettre le cinquieme canon de ce concile, qui ordonne que l’évêque de Constantinople aura la place d’honneur après l’évêque de Rome, attendu que Constantinople étoit la nouvelle Rome. Le canon vingt-huitieme du concile de Chalcédoine, par lequel on étend & on augmente les priviléges déjà accordes à l’église de Constantinople, déplut pareillement aux Romains : les légats du pape S. Léon résisterent vigoureusement à ce decret, & S. Léon lui-même témoigna beaucoup de zele contre cette entreprise. A l’égard de la définition de foi, il se hâta d’en faire part aux églises d’Occident, de leur apprendre que la vérité avoit triomphé, & que l’hérésie avoit été condamnée avec ses auteurs & ses partisans. Enfin la foi du concile de Trente a été reçûe par l’église Gallicane ; mais elle en a rejetté tous les points de discipline, qui ne s’accordent ni avec l’ancienne ni avec nos mœurs.

Après avoir rempli les différens objets que nous nous étions proposés par rapport aux conciles généraux, il nous reste à parler des conciles particuliers, sur lesquels nous nous étendrons peu, cette matiere étant & plus simple, & moins importante. Ces conciles sont de trois sortes, savoir les nationaux, les provinciaux, & les diocésains.

Les conciles nationaux sont ceux qui sont convoqués, soit par le prince, soit par le patriarche, soit par le primat, & où l’on rassemble les évêques de toutes les provinces du royaume. Nous disons que ces conciles sont convoqués soit par le prince, soit par le patriarche, ou même le primat, car il n’est pas douteux que ce droit n’appartienne aux souverains ; nos conciles de France fournissent à ce sujet une foule d’exemples. Du tems de l’empire Romain, nous voyons les conciles des Gaules convoqués par les empereurs, comme le concile d’Arles qui fut convoqué par Constantin l’an 314, dans la cause des Donatistes ; celui d’Aquilée, qui est plûtôt un concile d’Italie que des Gaules, convoqué par Gratien l’an 381. Nous lisons dans les actes de ce concile ces paroles de S. Ambroise : Nos in Occidentis partibus constituti, convenimus ad Aquileiensium civitatem, juxta imperatoris præceptum. Et dans la lettre synodale du même concile adressée aux empereurs, les peres