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te qu’elles environnent, & forment le cercle appellé centre du cœur.

Les fibres du cœur paroissent les mêmes que celles des autres muscles ; ce qui fait regarder aujourd’hui cette partie comme un vrai muscle, quoique quelques-uns rejettent cette conséquence comme peu juste ; prétendant que si cela étoit, l’aorte devroit être regardée comme un muscle. Voyez Muscle & Aorte.

Quelques auteurs modernes, après avoir examiné la structure & la disposition des fibres spirales, ont mieux aimé regarder le cœur comme un double muscle, ou comme deux muscles joints ensemble. En effet, les deux ventricules avec leurs oreillettes, font deux corps, deux vaisseaux, deux cavités différentes qui peuvent être séparées sans cesser pour cela d’être des vaisseaux ; d’autant plus que la cloison que l’on croyoit auparavant n’appartenir qu’au ventricule gauche, est composée de fibres qui appartiennent à tous les deux. D’ailleurs, si l’on en croit M. Winslow, les deux ventricules sont deux différens muscles, unis ensemble non-seulement par la cloison, mais encore par plusieurs plans de fibres qui partent de la base du cœur, se rencontrent à la pointe, & tapissent les parois du ventricule gauche.

Le cœur a encore des vaisseaux sanguins qui lui sont propres ; savoir deux arteres qui sortent de la naissance de l’aorte, & une grande veine avec une ou deux plus petites, que l’on appelle arteres & veines coronaires, parce que leurs troncs couronnent en quelque maniere la base du cœur. Voyez Coronaire.

Les nerfs du cœur & de ses oreillettes viennent d’un plexus de la huitieme paire, & du nerf intercostal appellé plexus cardiaque. Voyez Nerf & Plexus.

Il y a aussi des vaisseaux lymphatiques qui portent la lymphe dans le canal thorachique. Voy. Conduit lymphatique.

L’usage du cœur est de pousser le sang dans toutes les parties du corps, à quoi contribue principalement son mouvement alternatif de contraction & de dilatation. Par la dilatation, appellée diastole, ses cavités s’ouvrent & se dilatent pour recevoir le sang que les veines y apportent ; & par leur contraction appellée systole, ses cavités se resserrent & se contractent pour repousser de nouveau le sang dans les arteres. Voyez Oreillette, Systole, & Diastole.

Ajoûtez à cela, que ces mouvemens alternatifs du cœur & de ses oreillettes sont opposés ; car les oreillettes se dilatent pendant que les ventricules se resserrent, & réciproquement.

Au moyen du ventricule droit, le sang est poussé dans l’artere pulmonaire, d’où il passe dans la veine pulmonaire qui le rapporte dans le ventricule gauche, d’où il se distribue par le moyen de l’aorte dans toutes les parties du corps ; il retourne ensuite par la veine-cave dans le ventricule droit du cœur, ce qui acheve sa circulation. Voyez Circulation.

Schenckius parle d’un homme qui n’avoit point de cœur, ce que Molinetti traite de fable ; il nie même qu’il puisse y avoir deux cœurs dans un même homme, quoique cela soit fort ordinaire dans divers insectes qui en ont naturellement plusieurs ; témoins les vers-à-soie qui ont une chaîne de cœurs qui s’étend depuis une extrémité de leur corps jusqu’à l’autre. Mais nous avons des preuves incontestables qu’on a trouvé deux cœurs dans la même personne ; on a même trouvé des cœurs que des vers avoient rongé & dévoré.

Muret a ouvert le cœur de quelques bandits, & l’a trouvé entierement velu, ou du moins revêtu d’une espece de duvet. Ce qu’il y a encore de plus

extraordinaire, est qu’on a vû des personnes dont le cœur étoit renversé ou tourné de haut en-bas ; témoin une femme qu’on pendit il y a quelque tems en Saxe, & un homme qui souffrit le même supplice à Paris. Journ. des sav.

Les animaux timides ont toûjours le cœur plus grand que ceux qui sont courageux ; comme cela se voit dans le daim, le lievre, l’âne, &c. On trouve un os dans la base du cœur de certains animaux, surtout du daim, qui paroît n’être autre chose que les tendons fibreux du cœur endurcis & ossifiés.

L’histoire rapporte qu’on trouva un pareil os dans le cœur du pape Urbain VIII. lorsqu’on vint à l’ouvrir après sa mort. Le cas est assez ordinaire dans le tronc de l’aorte qui sort immédiatement du cœur. Voyez Aorte & Ossification.

Il y a plusieurs animaux amphibies, comme les grenouilles, dont le cœur n’a qu’un ventricule. Les académiciens François prétendent que celui de la tortue a trois ventricules ; mais M. Buissiere réfute leur sentiment, & soûtient qu’il n’en a qu’un. Ce point est encore indécis jusqu’aujourd’hui. Mém. de l’acad. ann. 1703. & Transact. philos. n°. 328.

Théorie du mouvement du cœur. Les Medecins & les Anatomistes modernes ne s’accordent point entre eux sur le principe du mouvement du cœur, ou sur les causes de sa contraction & de sa dilatation alternative.

L’expulsion du sang hors des ventricules, prouve qu’il se fait un mouvement considérable dans cette partie. Il est certain que la force motrice doit surmonter la résistance qu’elle rencontre ; & suivant le calcul de Borelli, la résistance que le sang rencontre dans les arteres, est égal à 180000 livres qu’il faut que le cœur surmonte, tant que la circulation dure. D’où le cœur peut-il donc recevoir tant de force ? & quelle est cette autre force qui après l’expulsion surmonte la premiere, & donne aux parties le moyen de se dilater pour produire un mouvement réciproque ? On a été dans de profondes ténebres là-dessus jusqu’à ce que Lower ait publié son excellent traité du cœur, dans lequel il explique d’une maniere admirable le méchanisme de la contraction ou systole de cette partie. Le docteur Drake qui est venu après lui, a heureusement expliqué la cause de sa dilatation ou diastole, que Lower avoit entierement négligée.

Lower & plusieurs autres ont suffisamment prouvé que le cœur est un muscle destiné à produire un mouvement de même que les autres ; & comme il est un muscle solitaire sans aucun antagoniste, & qu’il n’a point un mouvement volontaire, il approche de fort près du sphincter. Voyez Sphincter.

Le cœur differe cependant de tous les autres muscles du corps humain, par l’uniformité & la régularité de ses dilatations & contractions alternatives. Voyez Muscle.

Cette vicissitude de mouvemens a donné assez d’embarras aux savans, qui, ne découvrant rien dans sa structure qui pût nécessairement l’occasionner, ni aucun antagoniste qui pût le produire par sa réaction, n’ont sû à quoi en attribuer la cause.

La raison & l’expérience prouvent que la contraction est l’action & l’état qui convient naturellement à tous les muscles. Car, dès qu’un muscle n’est plus surmonté par son antagoniste, il se contracte immédiatement ; la volonté ne sauroit l’obliger à se dilater. Si l’on coupe, par exemple, le fléchisseur de quelque partie, les extenseurs n’étant plus surmontés par l’action contraire de leurs antagonistes, cette partie sera étendue aussi-tôt, sans que la volonté y ait part, & demeure dans cet état ; la même chose arrive, mais dans un sens contraire, lorsqu’on coupe les extenseurs.