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nable à nos sucs, ou être d’une nature à demeurer en stagnation par une altération spontanée.

Ces vices de nos liquides consistent, 1° dans l’acrimonie acide, qui procede des sucs acides, récens, cruds, déjà fermentans, de la foiblesse des vaisseaux, & du défaut de mouvement animal. Ces causes produisent des vents, des spasmes, la cardialgie, la passion iliaque, l’épilepsie des enfans, la chlorose, & autres maladies chroniques. On parviendra à les guérir par les alimens & les médicamens propres à absorber, à émousser l’acrimonie acide, par les corroborans & par l’exercice.

2°. Dans l’acrimonie austere, qui naît de l’union de l’acide avec plusieurs matieres âcres & terrestres ; telle est celle des fruits verds, des sucs astringens, des vins âpres, & d’autres substances de la même nature, qui coagulent les fluides, resserrent les vaisseaux, & produisent par-là de fortes obstructions. Il faut traiter les maladies chroniques, qui ont cette austérité pour principe, avec des remedes délayans, des alkalis fixes, & des alkalis savoneux, ordonnés avec circonspection, & continués pendant longtems.

3°. Dans une acrimonie aromatique & grasse, procurée par les alimens, les boissons, les épices, les assaisonnemens chauds au goût & à l’odorat. Ces substances causent la chaleur, le frottement, l’usement des petits vaisseaux capillaires ; d’où s’ensuivent des douleurs chaudes, l’atténuation, la putréfaction, l’extravasation des sucs, & beaucoup d’autres effets semblables. Il faut employer contre les maladies chroniques, nées de cette espece d’acrimonie, des remedes aqueux, farineux, gélatineux, acides.

4°. Dans une acrimonie grasse & inactive, qui résulte de l’usage immodéré de la graisse des animaux terrestres, des poissons, & des végétaux oléagineux ; ce qui donne lieu à des obstructions, à la rancidité bilieuse, à l’inflammation, à la corrosion, & à la plus dangereuse putréfaction. On guérit les maladies chroniques, qui doivent leur origine à cette espece d’acrimonie, par des délayans, des savoneux, des acides.

5°. Dans une acrimonie salée & muriatique, causée par le sel marin, & les alimens salés. Cette acrimonie détruit les vaisseaux, dissout les fluides, & les rend âcres ; d’où naît l’atrophie, la rupture des vaisseaux, & l’extravasation des liqueurs, qui à la vérité ne se corrompent pas promptement à cause du sel, mais forment des taches sur la peau, & d’autres symptomes scorbutiques. On doit attaquer les maladies chroniques qui proviennent de cette espece d’acrimonie, avec l’eau, les remedes aqueux, les acides végétaux.

6°. Dans une acrimonie alkaline, volatile, qui doit son origine aux alimens de cette espece. Cette putridité acrimonieuse cause une dissolution putride du sang, le rend moins propre à la nutrition, détruit les petits vaisseaux. Ainsi elle déprave les fonctions des parties solides & liquides, produit les diarrhées, les dyssenteries, les fievres bilieuses, la putréfaction dans les visceres, la consomption. On remedie aux maladies chroniques qui en émanent, par les acescens, ou acides tirés des végétaux cruds ou fermentés, par les sels qui absorbent l’alkali, les délayans aqueux, les altérans doux, & les savoneux détersifs acides.

7°. Dans la viscosité ou glutinosité, qui a pour source l’usage immodéré des matieres farineuses crues, l’action trop foible des visceres, le manque de bile, d’exercice, le relâchement des vaisseaux secrétoires. Cette glutinosité rend le sang visqueux, pâle, imméable ; obstrue les vaisseaux, donne lieu à des concrétions, forme des tumeurs œdémateu-

ses, empêche les secrétions. On opérera la guérison

des maladies chroniques qui en découlent, par les échauffans, les résolutifs, les irritans, les savoneux, les frictions, & l’exercice.

2°. De la nature des sucs difficiles à assimiler. Secondement, les vices de nos liquides, avons-nous dit, peuvent naître d’une action trop forte des facultés vitales sur les choses reçues dans le corps ; c’est-à-dire de la constriction, de la rigidité des fibres & des visceres, qui s’oppose à l’assimilation des sucs. Cette rigidité des vaisseaux empêche que le cœur, à chaque contraction, ne se vuide entierement, ce qui trouble toutes les secretions, & cause des maladies chroniques incurables, telles que des concrétions polypeuses. On tâchera d’y remédier dans les commencemens, autant qu’il est possible, par les humectans, les adoucissans, les délayans aqueux, le repos, & le sommeil.

3°. De leur altération spontanée. Troisiemement, les vices de nos liquides peuvent venir de leur altération spontanée, qui arrive ordinairement lorsqu’ils sont mis en stagnation par quelque cause que ce puisse être. De-là naissent les maladies chroniques spontanées, qui ont pour principe une humeur acide, alkaline, salée, glutineuse, grasse & inactive, dont nous avons indiqué ci-dessus les remedes.

4°. Des maladies aiguës mal traitées. Les maladies aiguës mal traitées peuvent affecter les fluides dans toutes les parties du corps, & de différentes manieres ; comme par exemple, 1° par des purulences qui donnent lieu à une infinité de maladies chroniques, auxquelles on doit opposer en général des remedes qui conservent les forces, résistent à la putréfaction, & réparent les liquides : 2° par des ichorosités, dont l’effet est d’engendrer des ulceres qui demandent un traitement particulier, voyez Ulcere : 3° par les putréfactions différentes dont on a parlé ci-dessus.

Enfin les maladies aiguës mal guéries peuvent affecter les solides, les parties composées du corps, & former plusieurs maladies chroniques, en laissant après elles des abscès, des fistules, des empyêmes, des skirrhes, des cancers, des caries, voyez tous ces mots ; & ces maladies chroniques varieront selon les parties que les maladies précédentes attaqueront.

Résultat de tout ce détail. Il résulte de ces détails, qu’il y a des maladies chroniques guérissables, & d’autres incurables, ce qu’une bonne théorie fait aisément connoître ; qu’il y en a de simples & de compliquées ; & qu’enfin il y en a dont la complication est très-grande.

Par rapport aux maladies chroniques incurables, il faut de bonne foi reconnoître les bornes de l’art, & n’opposer à ces maladies que les remedes palliatifs.

Les maladies chroniques simples peuvent en créer une infinité d’autres compliquées qui en sont les effets ; d’où il paroît que ces maladies, quoique très variées dans leurs symptomes, ont cependant une origine peu composée, & ne requierent pas une grande diversité de remedes. Il faut dire même que quoique les maladies chroniques, par la variété de leurs causes, exigent, quand on connoît ces causes, une diversité de traitement, néanmoins elles demandent en général une thérapeutique commune, qui consiste dans l’exercice, les remedes atténuans, résolutifs, corroborans, antiputrides, chauds, la liberté du ventre, & la transpiration.

Mais quelquefois l’origine & les symptomes d’une maladie chronique sont très-compliqués ; alors cette maladie devient d’autant plus difficile à guérir, que sa complication est grande : cependant elle ne doit pas décourager ces génies qui savent par leur expérience & leur pénétration écarter les cau-