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che à leurs fonctions, ils furent déchargés de tutelles, curatelles, & autres charges onéreuses : il n’y eut point de vacance pour eux, & les tribunaux leur étoient ouverts en tout tems.

Il y avoit entre les affranchis, des Boulangers chargés de faire le pain pour le palais de l’empereur. Quelques-uns de ceux-ci aspirerent à la charge d’intendans des greniers publics, comites horreorum : mais leur liaison avec les autres Boulangers les rendit suspects, & il leur fut défendu de briguer ces places.

C’étoient les mariniers du Tibre & les jurés-mesureurs, qui distribuoient les grains publics aux Boulangers ; & par cette raison, ils ne pouvoient entrer dans le corps de la boulangerie. Ceux qui déchargeoient les grains des vaisseaux dans les greniers publics, s’appelloient saccarii ; & ceux qui les portoient des greniers publics dans les boulangeries, catabolenses. Il y avoit d’autres porteurs occupés à distribuer sur les places publiques le pain de largesse. Ils étoient tirés du nombre des affranchis ; & l’on prenoit aussi des précautions pour les avoir fideles, ou en état de répondre de leurs fautes.

Tous ces usages des Romains ne tarderent pas à passer dans les Gaules : mais ils parvinrent plûtard dans les pays septentrionaux. Un auteur célebre, c’est Borrichius, dit qu’en Suede & en Norvege, les femmes pétrissoient encore le pain, vers le milieu du xvi. siecle. La France eut dès la naissance de la monarchie des Boulangers, des moulins à bras ou à eau, & des marchands de farine appellés ainsi que chez les Romains, Pestors, puis Panetiers, Talmeliers, & Boulangers. Le nom de Talmeliers est corrompu de Tamisiers. Les Boulangers furent nommés anciennement Tamisiers, parce que les moulins n’ayant point de bluteaux, les marchands de farine la tamisoient chez eux & chez les particuliers. Celui de Boulangers vient de Boulents, qui est plus ancien ; & Boulents, de polenta ou pollis, fleur de farine. Au reste, la profession des Boulangers est libre parmi nous : elle est seulement assujettie à des lois, qu’il étoit très-juste d’établir dans un commerce aussi important que celui du pain.

Quoique ces lois soient en grand nombre, elles peuvent se réduire à sept chefs.

1° La distinction des Boulangers en quatre classes ; de Boulangers des villes, de Boulangers des faubourgs & banlieue, des Privilégiés, & des Forains.

2° La discipline qui doit être observée dans chacune de ces classes.

3° La jurisdiction du grand pannetier de France sur les Boulangers de Paris.

4° L’achat des blés ou farines, dont ces marchands ont besoin.

5° La façon, la qualité, le poids, & le prix du pain.

6° L’établissement & la discipline des marchés où le pain doit être exposé en vente.

7° L’incompatibilité de certaines professions avec celle de Boulanger.

Des Boulangers de Paris. Les fours banaux subsistoient encore avant le regne de Philippe Auguste. Les Boulangers de la ville fournissoient seuls la ville : mais l’accroissement de la ville apporta quelque changement, & bien-tôt il y eut Boulangers de ville & Boulangers de faubourgs. Ce corps reçut ses premiers reglemens sous S. Louis : ils sont très-sages, mais trop étendus pour avoir place ici. Le nom de gindre, dont l’origine est assez difficile à trouver, & qui est encore d’usage, est employé pour désigner le premier garçon du Boulanger. Philippe le Bel fit aussi travailler à la police des Boulangers, qui prétendoient n’avoir d’autre juge que le grand pannetier. Ces prétentions durerent presque jusqu’en 1350, sous Philippe de Valois, que parut un réglement général de police, où

celle des Boulangers ne fut pas oubliée, & par lequel 1° l’élection des jurés fut transferée du grand pannetier au prévôt de Paris : 2° le prévôt des marchands fut appellé aux élections : 3° les Boulangers qui feroient du pain qui ne seroit pas de poids, payeroient soixante sous d’amende, outre la confiscation du pain. Le sou étoit alors de onze sous de notre monnoie courante. Henri III. sentit aussi l’importance de ce commerce, & remit en vigueur les ordonnances que la sagesse du chancelier de l’Hopital avoit méditées.

Il n’est fait aucune mention d’apprentissage ni de chef-d’œuvre dans les anciens statuts des Boulangers. Il suffisoit, pour être de cette profession, de demeurer dans l’enceinte de la ville, d’acheter le métier du Roi ; & au bout de quatre ans, de porter au maître Boulanger ou au lieutenant du grand pannetier un pot de terre, neuf, & rempli de noix & de nieulle, fruit aujourd’hui inconnu ; casser ce pot contre le mur en présence de cet officier, des autres maîtres, & des gindres, & boire ensemble. On conçoit de quelle conséquence devoit être la négligence sur un pareil objet : les Boulangers la sentirent eux-mêmes, & songerent à se donner des statuts en 1637. Le roi approuva ces statuts, & ils font la base de la discipline de cette communauté.

Par ces statuts, les Boulangers sont soûmis à la jurisdiction du grand pannetier. Il leur est enjoint d’élire des jurés le premier dimanche après la fête des Rois ; de ne recevoir aucun maître sans trois ans d’apprentissage ; de ne faire qu’un apprenti à la fois ; d’exiger chef-d’œuvre, &c.

Du grand Pannetier. Les anciens états de la maison de nos rois, font mention de deux grands officiers, le dapifer ou sénéchal, & le bouteiller ou échanson. Le dapifer ou sénéchal ne prit le nom de pannetier, que sous Philippe Auguste. Voyez l’article Grand-Pannetier. Depuis Henri II. cette dignité étoit toûjours restée dans la maison de Cossé de Brissac. Ses prérogatives étoient importantes. Le grand pannetier, ou sa jurisdiction, croisoit continuellement celle du prévôt de Paris, ce qui occasionnoit beaucoup de contestations, qui durerent jusqu’en 1674, que le roi réunit toutes les petites justices particulieres à celle du châtelet.

Des Boulangers de faubourgs. Les ouvriers des faubourgs étoient partagés, par rapport à la police, en trois classes : les uns étoient soûmis à la jurande & faisoient corps avec ceux de la ville : d’autres avoient leur jurande & communauté particulieres ; & il étoit libre d’exercer toute sorte d’art & maîtrise dans le faubourg S. Antoine. En faveur de l’importance de la Boulangerie, on permit à Paris & dans toutes les villes du royaume, de s’établir Boulanger dans tous les faubourgs, sans maîtrise. On assujettit les Boulangers de faubourgs, quant au pain qu’ils vendoient dans leurs boutiques, à la même police que ceux de ville ; quant au pain qu’ils conduisoient dans les marchés, on ne sçut si on les confondroit ou non, avec les forains.

Cette distinction des Boulangers de ville, de faubourgs, & forains, a occasionné bien des contestations ; cependant on n’a pas osé les réunir en communauté, & l’on a laissé subsister les maîtrises particulieres, de peur de gêner des ouvriers aussi essentiels.

Des Boulangers privilégiés ; ils sont au nombre de douze, & tous demeurent à Paris ; il ne faut pas les confondre avec ceux qui ne tiennent leur privilége que des lieux qu’ils habitent. Les premiers ont brevet & sont Boulangers de Paris ; les autres sont traités comme forains.

Des Boulangers forains, ou de ceux qui apportent du pain à Paris, de Saint-Denys, Gonesse, Corbeil, Villejuif, & autres endroits circonvoisins. Ces pourvoyeurs sont d’une grande ressource ; car deux cents-