Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 17.djvu/401

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

du royaume, ils se réfugierent en Prusse, & dans la marche de Brandebourg, quelques-uns passerent en Angleterre, & d’autres en Hollande, où ils sont tolérés, & où l’on débite publiquement leurs livres, quoi qu’en dise Bayle.

Outre les deux Socins, leurs principaux écrivains sont Crellius, Smalcius, Volkélius, Schlitingius, le chevalier Lubinietzki, &c. On soupçonne aussi avec beaucoup de raison, Episcopius, Limborg, de Courcelles, Grotius, Jean le Clerc, Locke, Clarke & plusieurs autres modernes, d’avoir adopté leurs principes sur la divinité du Verbe, l’incarnation, la satisfaction de Jesus-Christ, &c. & sur quelques autres points de théologie & de philosophie. Voyez la bibliotheque des anti-trinitaires ; Crellius, de uno Deo patre, de Deo & attributis, &c. Volkelius, de verâ religione ; Micraelii, hist. eccles. Natalis Alexander, hist. ecclés. ad sec. xvj. Hoornbeeck, in apparatu ad controvers. socinianas ; le cathéchisme de Racovie, & les ouvrages des Unitaires modernes, d’où cet article a été tiré en partie. Article de M. Naigeon..

UNITÉ, s. f. (Math.) c’est ce qui exprime une seule chose ou une partie individuelle d’une quantité quelconque. Quand on dit individuelle, ce n’est pas que l’unité soit indivisible, mais c’est qu’on la considere comme n’étant pas divisée, & comme faisant partie d’un tout divisible. Voyez Nombre.

Quand un nombre a quatre ou cinq chiffres, celui qui est le plus à la droite, c’est-à-dire le premier en allant de droite à gauche, exprime ou occupe la place des unités. Voyez Numération. Et selon Euclide, on ne doit pas mettre au rang des nombres l’unité ; il dit que le nombre est une collection d’unités ; mais c’est-là une question de mots.

Unité en Théologie, est un des caracteres distinctifs de la véritable Église de Jesus-Christ.

Par unité, les Théologiens catholiques entendent le lieu qui unit les fideles par la profession d’une même doctrine, par la participation aux mêmes Sacremens, & par la soumission au même chef visible. La multitude des églises particulieres qui sont répandues dans les différentes parties du monde ne préjudicie en rien à cette unité ; toutes ces églises réunies ensemble ne formant qu’un seul & même tout moral, qu’un seul & même corps ; en un mot, qu’une seule & même société, qui professe la même foi, qui participe aux mêmes sacremens, qui obéit aux mêmes pasteurs & au même chef. Or cette unité, selon les catholiques, est restrainte à une seule société, de laquelle sont exclus les hérétiques qui professent une foi différente, les excommuniés qui ne participent plus aux sacremens, les schismatiques qui refusent de se soumettre à l’autorité des pasteurs légitimes. Or, cette société c’est l’Église romaine, comme l’ont prouvé nos controversistes dont on peut consulter les écrits.

Les protestans conviennent que l’église doit être une, mais ils prétendent que cette unité peut subsister, sans que ses membres soient réunis sous un chef visible, & qu’il suffit que tous les chrétiens soient unis par les liens d’une charité mutuelle, & qu’ils soient d’accord sur les points fondamentaux de la religion. On fait que cette derniere condition est de l’invention du ministre Jurieu, & qu’elle jette les protestans dans l’impossibilité de décider, de combien ou de quelles sectes l’Église pourra être composée, parce que chacun voulant ou prétendant déterminer à son gré, quels sont ces points fondamentaux ; les uns ouvrent la porte à toutes les sectes, tandis que d’autres la leur ferment. D’ailleurs, ces caracteres d’unité qu’assignent les protestans sont, ou intérieurs & invisibles, ou équivoques. Et pour discerner l’unité de l’Église, il faut des caracteres visibles, extérieurs, & de nature à frapper vivement

les plus simples, & à leur montrer quelle est la société à laquelle ils doivent s’attacher.

Unité, (Belles Lettres.) dans un ouvrage d’éloquence ou de poésie. Qualité qui fait qu’un ouvrage est partout égal & soutenu. Horace, dans son art poétique, veut que l’ouvrage soit un :

Denique sit quod vis simplex duntaxat & unum.

Et Despréaux a rendu ce précepte par celui-ci :

Il faut que chaque chose y soit mise en son lieu
Que le début, la fin répondent au milieu.

Art poët. ch. j.

Il n’y a point d’ouvrage d’esprit, de quelqu’étendue qu’on le suppose, qui ne soit sujet à cette regle. L’auteur d’une ode n’est pas moins obligé de se soutenir, que celui d’une tragédie ou d’un poëme épique, & souvent même on excuse moins aisément ce défaut dans un petit ouvrage que dans un grand. Cette unité consiste à distribuer un ordre général dans la matiere qu’on traite, & à établir un point fixe auquel tout puisse se rapporter. C’est l’art d’assortir les diverses parties d’un ouvrage, de ne choisir que le nécessaire, de rejetter le superflu, de savoir à propos sacrifier quelques beautés pour en placer d’autres qui seront plus en jour, d’éclaircir les vérités les unes par les autres, & de s’avancer insensiblement de degrés en degrés vers le but qu’on se propose. Enfin, l’unité est dans les arts d’imitation, ce que sont l’ordre & la méthode dans les hautes sciences ; telles que la Philosophie, les Mathématiques, &c. La science, l’érudition, les pensées les plus nobles, l’élocution la plus fleurie, sont des matériaux propres à produire de grands effets ; cependant si la raison n’en regle l’ordre & la distribution, si elle ne marque à chacune de ces choses le rang qu’elle doit tenir, si elle ne les enchaîne avec justesse, il ne résulte de leur amas qu’un cahos, dont chaque partie prise en soi peut être excellente, quoique l’assortiment en soit monstrueux. Cette unité nécessaire dans les ouvrages d’esprit, loin d’être incompatible avec la variété, sert au contraire à la produire par le choix, la distribution sensée des ornemens. Tout le commencement de l’art poétique d’Horace est consacré à prescrire cette unité, que les modernes ont encore mieux connue & mieux observée que les anciens.

Unité, dans la poésie dramatique, est une regle qu’ont établie les critiques, par laquelle on doit observer dans tout drame une unité d’action, une unité de tems, & une unité de lieu ; c’est ce que M. Despréaux a exprimé par ces deux vers :

Qu’en un lieu, qu’en un jour, un seul fait accompli
Tienne jusqu’à la fin le théatre rempli.

Art poët. ch. iij.

C’est ce qu’on appelle la regle des trois unités, sur lesquelles Corneille a fait un excellent discours, dont nous emprunterons en partie ce que nous en allons dire pour en donner au lecteur une idée suffisante.

Ces trois unités sont communes à la tragédie & à la comédie ; mais dans le poëme épique, la grande & presque la seule unité est celle d’action. A la vérité, on doit y avoir quelqu’égard à l’unité des tems, mais il n’y est pas question de l’unité de lieu. L’unité de caractere n’est pas du nombre des unités dont nous parlons ici. Voyez Caractere.

1°. L’unité d’action consiste, à ce que la tragédie ne roule que sur une action principale & simple, autant qu’il se peut : nous ajoutons cette exception ; car il n’est pas toujours d’une nécessité absolue que cela soit ainsi, & pour mieux entendre ceci, il est à propos de distinguer avec les anciens deux sortes de sujets propres à la tragédie ; savoir le sujet simple, & le sujet mixte ou composé : le premier est celui,