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paremment le nom. Ptolomée & Marcian d’Héraclée la nomment Urce.

Cette ville, dit Isaac Vossius, observat. ad Melam, a donné occasion de débiter bien des impertinences, parce qu’on ignoroit qu’Urci, Urgi, Virgi, Birgi & Murci, étoient autant de noms de la même place. On en trouve la preuve dans Pline, qui étend la Bétique jusqu’à la ville de Murgi ou Murgis, & qui dans un autre endroit donne la ville d’Urci pour le commencement de la province de Tarragone. Tous ceux qui ont voulu marquer les bornes de la Bétique, en ont dit autant ; si ce n’est quelques-uns qui, au-lieu de Murgi & d’Urci, ont écrit Virgi & Birgi. Il est ordinaire de voir changer l’U & B, & il ne l’est guere moins de voir le B changé en M, de sorte qu’Urci & Murgi sont absolument le même nom.

Il est bon de remarquer néanmoins qu’outre cette Murgis, il y en a un autre que Ptolomée marque dans les terres parmi les villes des Turdules bétiques, & dont l’itinéraire d’Antonin fait mention. Mais cette Murgis n’a rien de commun avec celle dont il s’agit ici. Plusieurs ont voulu que cette derniere fût la ville de Murcie, qui a donné son nom à un royaume mais cette opinion tombe d’elle-même, dès que la ville de Murcie, au-lieu d’être maritime, se trouve fort avant dans les terres. Ceux qui disent que Muxacra ou Vera, est l’ancienne Virgi, ne se trouvent pas mieux fondés. Vera est la ville Baria des anciens ; & l’on ne peut pas prendre Beria, puisqu’Abdera & le promontoire Charideme, aujourd’hui le cap de Gate étoient entre deux.

La ville Virgi, Urci, ou Murgi des anciens, étoit dans l’endroit où est aujourd’hui Almaçaran, à l’embouchure du Guadalentin. (D. J.)

VIRGINENSE ou VIRGINALE, (Mythol.) divinité que l’on invoquoit chez les Romains, lorsqu’on délioit la ceinture d’une nouvelle épouse vierge. C’étoit la même divinité que les Grecs appelloient Diana Lysizona. On portoit la statue, ou du-moins les images de Virginense dans la chambre des nouveaux époux, lorsque les Paranymphes en sortoient. On appelle aussi cette divinité Virginicuris. (D. J.)

VIRGINIE, terre de, (Hist. nat.) nom donné par les Anglois à une terre bolaire, assez pesante & compacte, d’un rouge clair ; elle se trouve en Virginie, dans la Caroline & en Pensilvanie.

Virginie, (Géog. mod.) contrée de l’Amérique septentrionale. Elle est bornée au nord par le Mariland, au midi par la Caroline, au levant par la mer du nord, & au couchant par la Louisiane.

Rawleigh, le fléau & la victime de l’Espagne, introduisit, en 1584, la premiere colonie angloise dans Mocasa, conquit ce pays, & lui donna le nom de Virginie, en mémoire de la reine Elisabeth sa maîtresse, qui passa sa vie dans le célibat, amusant tous les partis qui la recherchoient en mariage, sans vouloir en accepter aucun.

On divise la Virginie en septentrionale & méridionale. La premiere s’étend depuis le 37d. de latitude jusqu’au 39, & la seconde depuis le 33 jusqu’au 36.

La Virginie septentrionale est dans un climat assez tempéré. L’été y est chaud comme en Espagne, & l’hiver froid comme dans le nord de la France ; souvent le froid y est fort rude, mais par intervalle ; on arrive dans ce pays par un long golfe, entre deux promontoires. Le milieu de la contrée est fertile, & le seroit encore davantage, si les sauvages daignoient le cultiver ; mais ces sauvages ne s’occupent qu’à la chasse, & laissent à leurs femmes le ménage de la maison. Ils s’habillent de peaux de bêtes sauvages, se peignent le corps, & se percent les oreilles pour y pendre des coquilles. Les femmes lavent dans la riviere leurs enfans nouveau-nés, & les frottent de certaines drogues, pour leur endurcir la peau contre le froid & le chaud.

La Virginie méridionale produit en abondance le mays des Indes, & le tabac dont les Anglois font un grand commerce. Le terroir en est extrèmement fertile, & les fruits de l’Europe y viennent très-bien. On y voit quantité de cerfs, d’ours, de loutres, d’écureuils, & d’animaux dont les peaux sont fort estimées, ainsi qu’un grand nombre de coqs d’Inde, de perdrix, & d’autres oiseaux de bois & de riviere.

Il croît encore dans la Virginie une espece de lin appellé herbe-soie, dont on fait des toiles & des habits. Les naturels du pays sont robustes, agiles, francs & industrieux, ils sont idolâtres, & adorent tout ce qu’ils craignent, comme le feu, l’eau, le tonnerre, & principalement le diable, dont ils font des images effroyables. Ils tiennent le soleil, la lune & les étoiles pour autant de dieux. Leurs prêtres sont en même tems leurs médecins, & en qualité de magiciens, ils consultent le diable sur la guérison ou la mort de leurs malades. Leurs gouverneurs qu’ils nomment véroans, commandent à un ou à plusieurs villages.

Les deux principales rivieres de la Virginie, sont la riviere James, & celle d’Yorck, qui se jettent dans la baie de Chesapeack. Les colonies sont le long de la mer & sur le bord des rivieres pour la commodité du commerce. Les sauvages sont dans les terres, & ressemblent presque en tout à ceux de Mariland.

Les Anglois ont publié des descriptions civiles & naturelles également curieuses de la Virginie. On peut les consulter, car quelques-unes ont été traduites en françois ; mais comme ce détail nous meneroit trop loin, nous nous contenterons de dire, que la Virginie est partagée en 19 comtés, dont la ville principale est James-Town.

Les 19 comtés de la Virginie par le dénombrement fait en 1703, renfermoient soixante mille six cens habitans, & neuf mille six cens hommes de troupes réglées. Il est vraissemblable que depuis la publication de ce calcul, les colonies ont doublé ; ce qui suffit pour donner une idée de la grandeur des forces de l’Angleterre en Amérique comparées proportionellement à la seule province de Virginie.

Elisabeth ne fit guere que donner un nom au continent de la Virginie. Après l’établissement d’une foible colonie, dont on vit bientôt la ruine, ce pays fut entierement abandonné. Mais lorsque la paix eut terminé les guerres entreprises contre l’Espagne, & qu’elle ne laissa plus aux caracteres ambitieux, l’espérance d’avancer si rapidement vers l’honneur & la fortune, les Anglois commencerent à seconder les pacifiques intentions de leur monarque, en cherchant une voie plus sûre, quoique plus lente, pour acquérir de la gloire & des richesses.

En 1606 Newport se chargea du transport d’une colonie, & commença un établissement, que la compagnie formée dans cette vue à Londres & à Bristol, prit soin de fournir annuellement de recrues, de provisions, d’ustenciles, & de nouveaux habitans. Vers l’an 1609, Argal découvrit une route plus sûre & plus droite pour la Virginie ; & quittant celle des anciens navigateurs, qui avoient pris au sud du tropique, il fit voile vers l’ouest, à la faveur des vents alisés, & tourna ensuite au nord, jusqu’aux établissement de sa nation.

La même année, cinq cens personnes, sous la conduite des chevaliers Thomas Gates & George Sommers furent embarquées pour la Virginie. Le vaisseau de Sommers, agité d’une horrible tempête qui le poussa aux Bermudes, jetta les fondemens d’une autre colonie dans ces îles. Ensuite le lord Delaware prit le gouvernement des colonies angloises ; mais tous ses soins, secondés par l’attention de Jacques I. à lui envoyer des secours d’hommes, & de l’argent