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jours à une lice qui n’a point encore porté, neuf grains de poivre dans du fromage, elle ne deviendra point en chaleur. Dans toutes les portées, il y aura des chiens qui ressembleront à celui par lequel la lice aura été couverte la premiere fois ; si c’est un mâtin, levrier, basset, &c. toutes les portées en tiendront un peu. Il faut observer de donner à la lice un jeune chien, plutôt qu’un vieux ; les jeunes chiens en seront bien plus légers & plus vigoureux. Il ne faut pas baigner les lices dans le tems de leur chaleur, cela leur est contraire, leur glace le sang, leur donne des rhumatismes, des tranchées & autres maladies. Quand les lices sont pleines, il ne faut pas les mener à la chasse, mais les laisser en liberté dans une cour ; quand elles ont conçu, elles sont ennuyées, dégoutées ; il leur faut faire du potage, au-moins une fois le jour. Il ne faut pas faire couper une lice quand elle est en chaleur, elle seroit en danger de mourir, & autant qu’il est possible, qu’elle n’ait point rapporté quand on la coupe : en le faisant, il faut prendre garde de couper les racines. Quinze jours après sa chaleur, elle est bonne à couper, quand même elle auroit été couverte, mais le plus sage est qu’elle ne l’ait point été. On ne doit tenir, selon Salnove, ch. xv. dans une meute de cinquante à soixante chiens, que cinq ou six lices ouvertes, que l’on appelle portieres ; on ne doit s’en servir que pour porter des chiens. Elles doivent être choisies hautes, longues & larges de coffre, qu’elles soient de bonne & ancienne race, & de vrais chiens courans sans aucun défaut. Pour en être plus assuré, il faut que celui qui a le gouvernement des chiens tienne un état généalogique de tous ceux qui sont dans la meute, afin de mieux connoître les races ; savoir si dans les portées d’où elles sont, il n’y en a point qui tombent du haut-mal, ou qui soient sujets à la goutte, querelleurs, pillars, méchans, obstinés à la chasse, &c. & ne tirer race que de ceux où l’on ne connoît aucun défaut. Avec ces précautions, on ne peut avoir que de beaux & de bons chiens. Pour faire devenir la lice en chaleur, on peut lui donner deux ou trois fois une omelette avec de l’huile de noix, une demi douzaine d’œufs, & de la mie-de-pain de froment, à laquelle étant presque cuite, on ajoutera une douzaine de mouches cantharides ; & si c’est une lice qui n’ait jamais porté, on ne la provoquera point par ce moyen à la chaleur, qu’elle n’ait quatorze à quinze mois, âge où elle peut porter de beaux chiens & les nourrir. Néanmoins si elle devient plutôt en chaleur d’inclination d’un mois ou deux, vous ne laisserez pas de la faire couvrir, & non pas devant qu’elle ait passé sa plus grande chaleur ; vous la tiendrez enfermée pour empêcher qu’elle ne soit couverte par d’autres chiens, que par celui que vous lui destinez.

Salnove est à cet égard du sentiment de Fouilloux ; il a remarqué que toutes les portées jusqu’à la troisieme, tiennent de la premiere. Si vous avez la curiosité de conserver les couleurs de poils dans votre meute, il faut tenir la lice dans un endroit où elle ne voie que des chiens de la couleur que vous demandez. Il faut que sa plus grande chaleur soit passée pour la faire couvrir, afin qu’elle retienne mieux ; vous devez choisir l’un de vos meilleurs chiens, l’un des plus beaux, des mieux faits, des plus vigoureux, criant bien & de bonne race. Si c’est une lice qui n’ait jamais porté, il la faudra tenir avec un couple dont vous lui aurez bridé la gueule, pour l’empêcher de vous mordre vous & le chien, autrement elle auroit de la peine à souffrir celui-ci. Si l’un d’eux étoit ou plus petit, ou plus grand, il le faudroit soulager au besoin, en choisissant un lieu ou plus haut ou plus bas. Mais si c’est une lice qui ait déja porté, il suffira que vous la fassiez enfermer avec le chien, fai-

sant observer par la sente de la porte ou par une fenêtre,

pour être assuré qu’elle est couverte, & il faut qu’elle le soit jusqu’à deux fois ; vous la tiendrez ensuite enfermée comme auparavant, jusqu’à ce qu’elle soit tout-à-fait refroidie ; vous jugerez qu’elle le sera, quand vous lui verrez le bouton entierement retiré comme avant sa chaleur ; cela étant vous la remettrez avec les autres dans le chenil & la pourrez faire chasser, jusqu’à ce que ses mamelles grossissent & s’avalent ; mais avant cela, vous connoîtrez qu’elle est pleine par la dureté du bout de la mamelle ; c’en est aussi une marque certaine si elle bat les chiens, & qu’elle ne puisse les souffrir. Lorsqu’elle sera avalée, vous la sortirez du chenil pour la mettre en liberté. Il la faut bien nourrir de potage & de lait, quand il en sera besoin lui donner du pain de froment, & non de seigle qui relâche ; si elle est dégoutée, donnez-lui du lait récemment tiré. Salnove, ch. xv.

Voici ce que Charles IX. dit sur le même sujet. Il faut être curieux de choisir une lice qui soit grande de corps, qui ait le coffre large, le jarret droit, le poil court & gros, sans être gras, qu’elle soit harpée, & ait l’échine large. Il faut que le chien qui doit la couvrir soit semblable, d’autant que les petits tiendront toujours du pere & de la mere ; il faut aussi qu’ils ayent le nez bon & soient vîtes. Après avoir choisi chiens & lices de pareille beauté & bonté, il faut les accoupler ensemble.

Pour faire entrer une lice en chaleur, afin d’en avoir plus promptement de la race, il faut la mettre & tenir avec des lices en chaleur, l’enfermer dans un tonneau qui soit barré afin qu’elle n’en puisse sortir ; il faut au-travers des barreaux lui montrer de petits chiens, les lui faire sentir ; si malgré tout cela elle ne devient point en chaleur, il faut faire couvrir d’autres lices devant elle, & alors elle ne tardera pas à être en chaleur. Quand elle y sera, il faut attendre qu’elle commence à se refroidir pour la faire couvrir, car dans sa grande chaleur, elle ne tiendroit pas ; il ne la faut faire couvrir que deux fois, & depuis qu’elle est couverte il la faut laisser en liberté, car la nature lui a bien donné le jugement, que pour conserver ce qu’elle a créé dedans son corps, elle se garde soigneusement ; vous diriez qu’elle est gouvernée par quelque raison ; jamais elle ne s’alonge & s’efforce de peur de se blesser ; si elle est obligée de passer par quelque endroit étroit & mal aisé, elle se ménage & se conserve fort curieusement. Pour la nourriture, si on lui donne son saoul à manger, elle ne se portera pas bien ; le bon traitement l’engraisseroit de sorte qu’elle ne pourroit aisément faire ses petits, elle les rendroit morts ou en mauvais état ; au contraire, il n’y a point de danger de la tenir un peu maigre. Il ne faut pas lui donner de potage salé ni de viande crue, car cela la feroit avorter ; c’est pourquoi on ne donne jamais la curée aux lices pleines ; on reconnoit qu’une lice l’est, quand les mammelles se nouent, le coffre s’élargit, & que le ventre s’abaisse ; cela ne s’apperçoit que quinze jours après qu’elle a été couverte.

M. de Ligniville s’étend peu sur cet article : voici ce qu’il en dit. Il demande que la lice ait le rable fort gros, la chair dure & les côtés ouverts, sans avoir le ventre avalé, les flancs larges qui proviennent des côtés ouverts, comme lévriers & tous chiens harpés qui en sont plus vîtes & ont plus de force & de reins que les autres. Il faut que le chien & la lice aient quatre qualités pour en tirer race. Ces qualités sont, un sentiment exquis, la voix belle, de la vîtesse, & beaucoup de force.

M. de la Briffardiere ne dit rien de plus. Les lices portent soixante-trois à quatre jours plus ou moins, & font jusqu’à douze petits ; ce qui n’est pas