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comme il en ordonnera. C’est pousser le scrupule aussi loin que faisoit un philosophe chinois, nommé Chiungai, qui s’imaginant qu’il n’étoit pas permis de rien toucher que l’on soupçonnât le moins du monde être le fruit de quelque injustice, ne vouloit pas loger dans la maison de son pere, crainte qu’elle n’eût été bâtie par des fripons, ni manger chez ses parens ou ses freres, de peur que ce qu’ils lui donneroient ne fût mal aquis. On a lieu de croire que parmi les Juifs, les Romains du tems de Plaute & les Syriens, le trésor appartenoit au maître du champ où il avoit été trouvé ; mais ce qu’on sait plus certainement, c’est que les lois romaines ont fort varié sur cette matiere. Voyez le droit public de M. Domat, liv. I. tit. VI. sect. 3. & le jus privatum romano-german. de Titius, lib. VIII. cap. xiij.

Au reste il convient de savoir qu’il y a sur ce sujet parmi nous divers réglemens, des lois civiles selon les différens pays, comme aussi diverses opinions parmi les auteurs ; mais il seroit inutile d’entrer dans ce détail. (D. J.)

Trésor public, (Antiq. d’Athènes.) le trésor public d’Athènes étoit consacré à Jupiter sauveur, & à Plutus dieu des richesses. Dans la masse des revenus publics qui formoient ce trésor, on y gardoit toujours en réserve mille talens, 187 mille 500 livres sterlings, auxquels il étoit défendu de toucher sous des peines capitales, excepté dans les besoins les plus urgens de l’état.

Les fonds de subside qui fournissoient le trésor public d’Athènes provenoient de l’imposition, nommée tête, τέλη ; des phori, φόροι ; des eisphoræ, εἰσφοραί ; & des timemata, τιμήματα, c’est-à-dire des amendes, les autres mots ont été expliqués à leur article.

Leur trésor public étoit employé à trois sortes de dépenses, qui tiroient leurs noms de leur emploi. On appelloit 1°. τὰ χρήματα τῆς διοικήσεως, les fonds destinés aux dépenses civiles ; 2°. τὰ στρατιωτικὰ χρήματα, les fonds destinés pour la guerre ; 3°. τὰ θεωρικὰ, les fonds destinés pour la religion. Dans cette derniere classe étoient comprises les dépenses des théatres & des fêtes publiques.

Il y avoit un trésorier assigné à chaque branche des revenus publics, & l’on appelloit cette magistrature, ταμίας τῆς διοικήσεως, τῶν στρατιωτικῶν, & θεωρικῶν. Potter, archæol. græc. t. I. p. 82. (D. J.)

Trésor public, (Antiq. rom.) trésor de l’épargne formé des deniers publics.

Il y avoit dans le temple de Saturne, situé sur la pente du mont Capitole, trois trésors publics. Dans le trésor ordinaire, l’on mettoit l’argent des revenus annuels de la république, & l’on en tiroit de quoi subvenir aux dépenses ordinaires.

Le second trésor provenoit du vingtieme qu’on prenoit sur le bien des affranchis, sur les legs & successions qui étoient recueillis par d’autres héritiers que les enfans des morts, ce qui montoit à des sommes excessives. Ce second trésor étoit appellé par cette raison aurum vicesimarium.

Dans le troisieme étoit en réserve tout l’or que l’on avoit amassé depuis l’invasion des gaulois, & que l’on conservoit pour des extrémités pareilles, sur-tout en cas d’une nouvelle irruption de ces mêmes gaulois. Ce fut ce qui donna lieu à ce noble trait d’esprit de César au tribun qui gardoit ce trésor, quand ce grand capitaine le fit ouvrir par force, sous prétexte de la guerre civile : « Il est inutile, dit-il, de le réserver davantage, puisque j’ai mis Rome hors de danger d’être jamais attaquée par les Gaulois ».

C’étoit dans le troisieme trésor qu’étoient encore les sommes immenses que les triomphateurs apporterent des pays conquis. César s’empara de tout, & en fit des largesses incroyables. Cependant ce troi-

sieme trésor public, ainsi que le second, s’appelloit

sanctius ærarium, mais rien n’étoit sacré pour servir à l’ambition de ce nouveau maître de Rome.

Tout le monde sait que le mot général ærarium, qu’on donnoit à tous ces trésors, venoit de ce que la premiere monnoie des Romains étoit du cuivre. Quand la république fut soumise à l’autorité d’Auguste, il eut son trésor particulier sous le nom de siscus. Le même empereur établit un trésor militaire, ærarium militare.

Les pontifes avoient aussi leur trésor, ærarium, que l’on appelloit plus communément arca ; & ceux qui en avoient la garde se nommoient arcarii, dont il est fait mention dans le code Théodosien, & dans le code Justinien, liv. II. tit. VII. (D. J.)

Trésor, (Critique sacrée.) en grec θησαυρὸς, ce mot signifie 1°. un amas de richesses mises en réserve, Matth. vj. 19. ne cherchez point à amasser des trésors sur la terre : 2°. des coffres, des cassettes ; les mages après avoir déployé leurs trésors, θησαυροὺς αὐτῶν, Matth. ij. 11. c’est-à-dire après avoir ouvert les cassettes, les coffres où étoient renfermées les choses précieuses qu’ils vouloient présenter au Sauveur : 3°. magasin où l’on garde les provisions, Matth. xiij. 52. le pere de famille tire de sa dépense, ἐκ τοῦ θησαυροῦ, toutes sortes des provisions.

Le trésor de l’épargne étoit la tour où les rois de Juda faisoient porter leurs finances, IV. Rois, xx. 15. le trésor du temple étoit le lieu où l’on mettoit en réserve tout ce qui étoit consacré au Seigneur, Josué vj. 19. le trésor de Dieu est une expression métaphorique, pour marquer ses bienfaits, sa puissance, &c. Il tire de ses trésors, comme d’un arsenal, les traits dont il punit les méchans, Jérémie, l. 25. Les trésors d’iniquité désignent les richesses aquises par des voies injustes, Prov. x. 2. (D. J.)

Trésor des chartes du roi, est le dépôt des titres de la couronne, que l’on comprenoit tous anciennement sous le terme de chartes du roi.

On entend aussi par-là le lieu où ce dépôt est conservé.

Anciennement & jusqu’au tems de Philippe-Auguste, il n’y avoit point de lieu fixe pour y garder les chartes du roi ; ces actes étant alors en petit nombre, nos rois les faisoient porter à leur suite par-tout où ils alloient, soit pour leurs expéditions militaires, soit pour quelqu’autre voyage.

Guillaume le Breton & autres historiens rapportent, qu’en 1194 Philippe-Auguste ayant été surpris pendant son dîner, entre Blois & Fretteval, dans un lieu appellé Bellesoye, par Richard IV. dit Cœur de lion, roi d’Angleterre & duc de Normandie, avec lequel il étoit en guerre, il y perdit tout son équipage, notamment son scel & ses chartes, titres & papiers.

M. Brussel prétend néanmoins que cet enlevement n’eut pour objet que certaines pieces, & que les Anglois n’emporterent point de registres ni de titres considérables.

Il y a du moins lieu de croire que dans cette occasion les plus anciens titres furent perdus, parce qu’il ne se trouve rien au trésor des chartes que depuis Louis le Jeune, lequel, comme on sait, ne commença à regner qu’en 1137.

Philippe-Auguste, pour réparer la perte qui venoit de lui arriver, donna ordre que l’on fît des soigneuses recherches, pour remplacer les pieces qui avoient été enlevées.

Il chargea de ce soin Gaultier le jeune, Galterius junior, auquel du Tillet donna le titre de chambrier.

Ce Gaultier, autrement appellé frere Guerin, étoit religieux de l’ordre de S. Jean de Jérusalem. Il fut évêque de Senlis, garde des sceaux de France sous